• La loi sur l'âge du consentement sexuel fait toujours couler beaucoup d'encre dans les classes. Nombreux sont ceux qui sont limite dans le choix de leurs partenaires et craignent un détournement de mineur, le tout largement amplifié par les rumeurs de plaintes abouties ou non dans les quartiers. Cette fois je leur parle aussi de la notion d'autorité qui fait passer l'âge du consentement sexuel de 15 à 18 ans. Je leur donne l'exemple du prof et de l'élève. Je sens aussitôt une légère excitation. Des regards rieurs et complices sont échangés. Il y a anguille sous roche, lézard sur pierre, voire boa sous braguettes. A mon visage un rien interrogateur, un élève finit par lâcher qu'une prof aurait eu des relations sexuelles avec un élève de l'internat et que depuis elle aurait été virée. Tout le monde se marre et les superlatifs sur elle pleuvent : « bonne », « bien roulée », « chaudasse ». Les gestes, eux, sont sans équivoque... Visiblement, les prétendants étaient légions. Beaucoup ont en mémoire une Mrs Robinson avec qui nous aurions adoré être déniaisé. Je me souviens de cette prof d'histoire-géo aux décolletés vertigineux qui a accompagné mes premières expériences onanistes. Combien de nuits ai-je rêvé qu'elle jetait son dévolu sur moi et m'entraînait pour des cours de rattrapage le samedi chez elle ? C'est peut-être pour cette raison que je n'ai obtenu que 2/20 dans cette matière au bac. J'attends toujours les cours de soutien.

    A la cantine, je décide d'en parler avec le responsable pédagogique des apprentis. Il semble gêné : - « ah ! Ils vous en ont parlé. J'avais bien dit à la direction qu'il fallait dégoupiller cette histoire et passer dans les classes pour éviter que la rumeur enfle... »
    Son collègue reprend : « on ne pense pas qu'il y ait eu rapports. Mais cette prof était trop dans l'affectif avec les élèves. Elle était jeune et a voulu s'attirer les sympathies. Elle a manqué de distances. »
    -« était ? »
    -« oui, elle est partie. Elle a posé sa démission. »
    -« ceci dit elle racontait beaucoup de choses trop personnelles aux élèves. Elle leur avait dit que l'été, elle aimait se baigner nue dans un lac. Et puis certains connaissaient même sa manière de s'épiler au niveau du maillot... Et ils avaient l'air vraiment sûr de leur fait »
    La décision d'en reparler à la direction et d'informer toutes les classes sur le départ volontaire de la prof a été adoptée entre le poulet frites et la vache-qui-rit.

    Cette décision n'était pas facile à prendre car le responsable me rappelle le caractère confessionnel du lycée-CFA. Nous sommes chez les cathos, à tendance Chartreux face aux évènements dérangeants. Moi, je me dis que les ablutions étant un moyen d'expiation pour les petits péchés, la « prof-qui-se-baignait-nue-dans-le-lac » devrait être pardonnée. De toutes façons, et quoique en dise cette vieille carne de Benoît XVI, elle a déjà été canonisée par les élèves.


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  • C'est à travers de larges grilles,
    Que les femelles du canton,
    Contemplaient un puissant gorille,
    Sans souci du qu'en-dira-t-on.
    Avec impudeur, ces commères
    Lorgnaient même un endroit précis
    Que, rigoureusement ma mère
    M'a défendu de nommer ici...
    Gare au gorille !...


    37 millions de morts, 40 millions de personnes infectées... Et pourtant à France3 Ile-de-France, on continue de communiquer sur le sida juste pour se marrer. Dans le cadre du Sidaction, une équipe de France Télévisions est venu filmée une séance de prévention dans une classe d'un lycée agricole pour l'associer à un reportage sur un jeune homosexuel contaminé lors de son premier rapport non protégé. Deux heures de débats, de questions/réponses, d'informations ont été résumés à l'antenne en une seule phrase d'un élève : « il parait que le sida est arrivé parce que des hommes ont fait l'amour avec des singes ». Homosexualité et contamination par les singes, le choix éditorial semble directement inspiré par la génération anti-PACS, celle-là même qui scandait « les pédés au bûcher ». Et voilà ! 25 piges de prévention et de sensibilisation à la cause des malades, atomisées en une phrase au JT de 13h30 et en version remix à 19h30. 25 ans qu'on se la traîne, l'histoire de la guenon sauvagement prise sur un lit de feuilles de bananier par le légionnaire américain ou l'érotomane chasseur africain. Je dis guenon mais pour d'autres, la vraie version c'est celle du gorille échappé d'un backroom de campagne, écartant le fion d'un soldat n'ayant pas surveillé ses arrières. 25 ans qu'on associe la présence du virus à la faute originelle, non pas celle de la pomme croquée, mais du primate défloré. L'homo erectus ne serait qu'un singe amélioré, délaissant de temps en temps les partouzes arboricoles pour aller voter.

    ...Tout à coup la prison bien close
    Où vivait le bel animal
    S'ouvre, on n'sait pourquoi. Je suppose
    Qu'on avait du la fermer mal.
    Le singe, en sortant de sa cage
    Dit "C'est aujourd'hui que j'le perds !"
    Il parlait de son pucelage,
    Vous aviez deviné, j'espère !
    Gare au gorille !...


    Que les élèves savourent cette histoire me parait somme toute bien naturelle. Les histoires de baise dans la savane ont toujours nourri nos fantasmes, du célèbre « toi, Jane. Moi, Tarzan » à l'accouplement animal donc bestial. Je me délecte parfois moi aussi de la scène, m'imaginant par choix personnel, non pas un juge en robe mais un adjudant-chef en treillis, dépucelé par un orang-outang qui aurait soigné sa couleur chez Tony and Guy. Le problème est qu'en période de mobilisation, France3 montre une fois de plus que le sida se résume à une vague histoire de coucherie, de semence qui aurait traversé la barrière des espèces. Surtout, on réduit les jeunes à une bande de décérébrés qui se gaussent de la transmission homo-simiesque en se tapant dans les mains. Les jeunes sont des singes qu'il convient de dresser.

    ..."Bah ! soupirait la centenaire,
    Qu'on puisse encore me désirer,
    Ce serait extraordinaire,
    Et, pour tout dire, inespéré !" ;
    Le juge pensait, impassible,
    "Qu'on me prenne pour une guenon,
    C'est complètement impossible..."
    La suite lui prouva que non !
    Gare au gorille !...


    La télé n'a jamais rendu service aux malades du sida. Elle lui a toujours préféré le Téléthon et sa horde de myopathes, floutée par le réalisateur dans les pupilles brillantes d'un présentateur aux muqueuses nasales finement préparées pour les 24 heures de la charité. Les enfants malades du sida, on ne les a jamais montrés. Les familles refusent, par peur de la discrimination. Les seuls qu'on a vus et revus, c'est les petits roumains des orphelinats de Ceaucescu. Ceux-là, c'était pour la parade, pour nous rassurer sur notre capacité à nous émouvoir de l'horreur. « Nuit et Brouillard » version sidéen. Je me souviens que des journalistes nous reprochaient notre manque de motivation, lorsque la veille du Sidaction, ils confondaient Pizza Hut et Allo Sida Express. « Il nous faut un enfant en fin de vie. Ou une mère qui vient d'infecter son gamin. Un volontaire associatif en deuil d'un parrainage, filmé au Père Lachaise... ». Nous refusions. Ne pouvant fournir. Par éthique. Mais la télé se fout de l'éthique. Elle veut juste que ça chiale dans les chaumières et que ça se mouche pendant les coupures pub.

    ...Mais, par malheur, si le gorille
    Aux jeux de l'amour vaut son prix,
    On sait qu'en revanche il ne brille
    Ni par le goût, ni par l'esprit.
    Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
    Comme l'aurait fait n'importe qui,
    Il saisit le juge à l'oreille
    Et l'entraîna dans un maquis !
    Gare au gorille !...

    La suite serait délectable,
    Malheureusement, je ne peux
    Pas la dire, et c'est regrettable,
    Ça nous aurait fait rire un peu ;
    Car le juge, au moment suprême,
    Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
    Comme l'homme auquel, le jour même,
    Il avait fait trancher le cou.
    Gare au gorille !...


    Je vais louer un costume de King Kong et kidnapper cette mauvaise journaliste de France3, lui coller une perruque blondasse, la prendre dans mes mains velues et la traîner tout en haut de la tour Montparnasse. Je lui cracherais à la gueule, histoire de lui refiler mon herpès labial. Je veux l'entendre crier « Maman » et demander pardon à ces 40 millions de séropos qu'on a associé l'espace d'une minute à la mauvaise blague d'un pré-ado à peine pubère. Et puis, je la lâcherais, pour éviter qu'elle ne recommence.   

    Quant à la transmission singe homme, elle s'est sûrement produite il y a très longtemps, probablement au contact du sang des singes pendant la chasse ou l'ingestion de viande du même animal. Mais franchement, on s'en bat les flancs... (Merci à G. B. pour la chanson).


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  • Sa veste de travail « bleu-auréolée » semble vouloir exploser entre le 3ème et le 4ème bouton. Il est avachi sur sa chaise, la ceinture abdominale détendue par les kebabs, les hamburgers et les sodas des déjeuners adolescents. Il déborde d'énergie. Ce matin, il a du s'engloutir trois sangliers, arrosés de Red Bull. Il fait le show et visiblement le reste de la classe est habitué à ses frasques. Le gros qui fait marrer, on donne dans le cliché. Il est vraiment imposant, d'autant plus qu'il a décidé de s'installer juste devant moi, obligeant sa nuque à des rotations à presque 180° pour vérifier l'impact de ses blagues sur ses camarades. C'est une classe de futurs menuisiers et l'intervention dans l'atelier a un petit coté « réunion syndicale » pour demander une pause turlutte au patron. Ils sont plusieurs a arboré des tee-shirts « Scarface » sous leurs blouses volontairement entrouvertes et sont bien excités. A croire que Tony Montana leur a aussi refiler la poudre qui va avec. Nous abordions les pratiques sexuelles en essayant d'évaluer ensemble les risques de transmission d'IST, quand il est devenu d'un coup plus sérieux :
    - « Hé monsieur, c'est quoi le truc que vous avez noté, là, le "cunninligus", cunni j'sais pas quoi »
    Un autre élève me prend de vitesse : «  Lorsque le keum y lèche le sexe d'une meuf, ça s'appelle un cunnilingus. »
    - « Mais c'est dégueulasse ! Bouffer la chatte, avec le pipi, c'est dégueulasse ! ça se fait pas monsieur. Et puis, ça pue, une chatte.»
    Il a l'air vraiment dégoutté, sans en rajouter. Il fait des grands moulinets avec ses bras, se pince le nez et je crains vraiment pour son 3ème bouton. Cinq minutes auparavant, il nous vantait les bienfaits « de la petite pipe qu'il le fait » mais là on venait de dépasser son seuil d'acceptation.
    - « Tout à l'heure, tu nous mimais la fellation avec un grand sourire de satisfaction. Et pourtant, il me semble que tu urines aussi avec ton sexe. Dans ce sens là, ça te pose moins de problème ? »
    - « C'est pas pareil, monsieur. Je suis circoncis, alors mon sexe, il est toujours propre. Et puis vous imaginez, le keum qui fait un cunni-j'sais-pas-quoi et qui après embrasse sa femme... Où même ses enfants qui rentrent de l'école... C'est dégueulasse. »
    Du coup, je me suis mis à penser si cela m'était déjà arrivé... D'embrasser mes enfants le matin, après une ouverture de paupières cunnilinguée juste avant que ce salaud de réveil n'envoie ma douce sous la douche. Je ne pus réprimer un sourire tout en rêvant.
    - « Et regardez les gars, vous pensez à quoi, là. Vous, monsieur, vous avez déjà fait des trucs dégueulasses... »
    La classe se gausse de son insolence et moi, je leur distribue des préservatifs, tout en fouillant dans le fond de ma mémoire pour retrouver la date anniversaire de mon premier cunnilingus. 


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  • Décidemment en ce moment, je passe en revue toute l'échelle des possibles en matière de réactions face à un débat ouvert sur la sexualité. Après Lolita, c'est Jeanne d'Arc version musulman ou plutôt un Mahomet à l'hymen peu compliant, que j'ai rencontré. Je suis une nouvelle fois à Saint Denis, face à une classe majoritairement féminine. Il faut dire que dans les lycées généraux, le pourcentage de garçons est en nette diminution, ceux-ci étant plus nombreux à sortir du circuit en fin de collège (il parait que c'est une donnée officielle d'après un proviseur). Une jeune fille s'installe au fond de la classe laissant quelques tables vides entre elle et les autres. Le prof a dû mal à la faire avancer. Elle semble très réticente à l'idée de participer à la séance de prévention. D'ailleurs, immédiatement, elle me tourne le dos et regarde le mur du fond. Il faut reconnaître pour sa défense que nous sommes entrés tout de suite dans le vif du sujet puisqu'un garçon a parlé de « levrette ». Ne voulant pas lui faire endosser le rôle de bouc émissaire en stigmatisant son aversion pour la chose, je décide de laisser faire. Après tout, même de dos, ses oreilles peuvent parfaitement capter ce qui se dit.

    Au bout d'une heure d'intervention, et suite à une question sur la pose des préservatifs, je pose sur la table le sexe en bois qui me sert pour la faire la démonstration. Là, elle jette un œil par-dessus son épaule, histoire quand même de visualiser à quoi ressemble un sexe de mec, et fait mine de partir. Le prof l'intercepte et la discussion qui s'engage au fond de la classe semble vive. Finalement, ils sortent tous les deux. Les élèves font quelques réflexions, sous-entendant une éventuelle relation entre les deux. Classique. A la fin des deux heures, une fois n'est pas coutume, une dizaine d'élèves traînent un peu et continuent de me poser des questions sur le sida et les IST. Puis le prof revient avec la fille qui s'est exclue. Celle-ci, à son invitation s'approche : « monsieur, ça ne se fait pas. Vous, les français, vous parlez trop facilement de tout ça. On ne doit pas inciter les jeunes à faire ça. » Je lui explique que si elle vit en France et qu'elle va au lycée en France, c'est qu'elle est aussi française que moi, d'autant plus qu'elle me dit être née dans l'hexagone, de parents tunisiens. En ce qui me concerne, droit du sang, droit du sol, je m'en bats les rouflaquettes. On naît ici, on grandit ici, on vit ici, alors on est d'ici. Je ne vous cache pas que je suis toujours surpris par tous ces jeunes qui n'arrivent pas à se sentir bien dans leur pays, qui parlent des « français » comme si c'était une caste à laquelle il n'appartiendront jamais. Certes, leurs familles, parfois trop enfermées dans leurs traditions, ne l'y aident pas toujours mais le quotidien leur renvoie souvent cette image d' « étrangers », qui relève presque toujours du faciès, en fonction d'une couleur de peau ou d'une manière d'être.

    Elle en rajoute une couche : « vous dites qu'on peut faire ça à 15 ans (elle fait référence à l'âge du consentement sexuel), c'est trop jeune. Et puis au lieu de parler du préservatif, il vaudrait mieux parler de fidélité, d'abstinence, de virginité. » J'en déduit qu'en langage coranique « ça » veut dire faire l'amour, le terme choisi ne déclenchant pas vraiment l'hystérie côté libido. Je décide de ne pas tomber dans le panneau, et de lui démontrer (même si mon fort intérieur bouillonne d'envie de lui rappeler les fondamentaux de la laïcité) mon fantastique esprit d'ouverture vis-à-vis des religions, puisque c'est bien de ça qu'il s'agit : « Je n'incite personne à rien. J'ouvre un espace de parole sur un sujet sensible, la sexualité, que vous ne pouvez pas toujours aborder avec vos parents. Sur la virginité, l'abstinence, tu as le droit d'avoir tes idées, de faire tes choix. Si tenté que ce soient vraiment les tiens. Mais tu peux entendre que d'autres n'ont pas le même regard sur la vie et leurs relations et souhaitent avoir une information sur les IST, la contraception... De plus, nous avons aussi beaucoup parlé de la relation à l'autre, de la position de chacun dans le couple, des limites qu'on se doit de poser, de ce qu'il est possible de faire ou ne pas faire... Et puis même si tu restes vierge jusqu'au mariage, tu auras peut-être un jour des relations sexuelles pour avoir des enfants. » C'est pas beau comme esprit d'ouverture, ça ? Comme elle revenait à la charge, en me signifiant que j'étais tout de même l'hérétique de service, les autres élèves sont venus à ma rescousse. Quatre autres jeunes filles l'ont prises à partie : « Mais d'où tu sors toi ? Tu crois que ton mari va te rester fidèle ? Qu'il sera vierge, lui ? On n'est plus au Moyen-âge. Ce n'est pas ta famille et tes parents qui vont vivre ta vie. On n'est pas obligé de tout leur dire... »

    Les arguments fusent. Je les regarde avec beaucoup de considération. Les publicitaires post-coupe du monde les décrierais comme cette France Black-blanc-beur qui s'est découverte une unité. Elles font front à la tradition archaïque, leurs familles de « blédard », la loi du quartier... L'accès à l'éducation, le lycée, voilà une solution pour toutes ses filles enfermées dans leur rôle de mère pondeuse par des types, qui sous le couvert d'une religion sexiste vont se poser beaucoup moins d'interdit qu'à leur femme. La fille hausse les épaules, me jette un regard assassin et s'en va. Elle est quand même revenue me dire ce qu'elle pensait. De plus, elle continue dans la cour de débattre avec les autres et c'est tout à son honneur. Ça ne doit pas être facile pour elle, de vivre tiraillée entre les traditions familiales qui l'ont formatée pour offrir sa virginité à un type qu'elle ne choisira probablement pas et son environnement scolaire quotidien plus enclin au flirt sans lendemain. Je me dis que la religion manque juste d'un peu de lubrifiant, pour se laisser pénétrer par la modernité.


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  • Journée de la femme oblige ou simple coïncidence, j'ai eu hier, une classe de filles en CAP couture dans les Hauts-de-Seine. Celles-ci étaient très défavorables au fait que ce soit un homme qui vienne animer l'intervention sur la sexualité. Ça râlait sec dans les couloirs et certaines voulaient même rentrer chez elles. À peine installés, je leur ai immédiatement proposé de mettre des mots sur leur gêne afin de pouvoir dépasser ce problème qui aurait pu plomber le débat. La peur d'être jugée comme étant des « filles faciles », « portées sur la chose », par un homme semblait les préoccuper. Je leur ai expliqué que je n'étais pas là pour les juger et surtout que je ne divulguerais pas leurs paroles aux professeurs ou au proviseur... De plus, nous étions là pour parler de la sexualité et non pas de leur sexualité. Ce fût un argument satisfaisant pour les filles musulmanes, à qui je certifiais pour enfoncer le clou, que je n'appellerais pas leurs pères ou leurs frères pour leur dire que nous avons parlé de rupture d'hymen, de clitoris ou de secrétions vaginales, voire pire, (sortez vos gousses d'ail, crucifix et autres coran), d'orgasme. Si elles avaient des questions plus personnelles, l'infirmière pouvait servir bien sûr de relais.

    Une fois rassurées, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de consentement et tout ce qui pouvait se faire, se dire avant l'acte sexuel. J'ai élaboré des questions à partir d'un document canadien sur les relations entre partenaires et la règle des 3C : Connaître ses propres désirs et limites, Communiquer efficacement avec l'autre pour les exprimer et la notion de Consentement éclairé, même si souvent « ça se passe dans le noir » comme me l'a signalé une élève, avec humour. Elles étaient unanimes sur le fait que c'était difficile de dire à son partenaire qu'on refusait un acte sexuel, ou que l'on ne souhaitait pas avoir telle ou telle pratique. Après avoir travaillé ensemble sur les raisons, nous avons mis à jour que la crainte, la peur de la réaction des garçons, en était la cause.

    Puis, nous avons essayé de définir ensemble la notion de consentement mutuel. Le problème est que bon nombre d'entre elles avaient déjà subies des pressions, des manipulations voire des gestes violents ou incitatifs et qu'elles avaient fait l'amour sans être vraiment certaines de le vouloir vraiment. Une fille me dit même résignée, que tel est le destin de la femme, à cause de la « pomme ». Cette référence au jardin d'Eden, paradis perdu à cause d'une femme, la première de l'humanité, qui s'est laissé tenter par un serpent à deux boules ( ?), un spermatozoïde reptilien ( ?), un vît à gland fourchu ( ?),  m'a toujours laissé de marbre. J'ai toujours eu du mal avec la genèse de l'humanité, surtout  lorsqu'elle est teintée de culpabilité.

    Nous avons passé beaucoup de temps à échanger autour de l' « avant », comment on peut se préparer au mieux pour avoir une relation à fort bénéfice, sans regrets. - « On parle pas de sexe, alors ? » La question a fait rire toute la classe. Elle rougit un peu quand je la regarde : - « Mais nous en parlons depuis une heure !! Et puis, je croyais que vous ne vouliez pas en parler en présence d'un homme !! La sexualité se réduit-elle seulement à l'acte ? Et après comment on se sent ? Qu'est ce qu'on se dit ? Mais si vous voulez qu'on parle des pratiques sexuelles, on peut. Mangeons la pomme, et jusqu'au trognon, tiens ! »

    Nous avons abordé les pratiques sexuelles sans aucune gêne, sans problèmes, sans tomber bien sûr dans la surenchère. Beaucoup de questions portaient sur la fellation, la sodomie, les risques liés à ces pratiques... Franchement, à quoi bon organiser une « journée de la femme ». Elles n'en ont aucunement besoin. C'est sûrement les hommes qui en sont les instigateurs, juste pour se déculpabiliser de cette furieuse envie de croquer qui les taraudent tout le reste de l'année.


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