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Par didurban1 le 3 Juillet 2007 à 11:33
C'était avant la fameuse loi sur le port du voile à l'école, ou bien dans un établissement où celle-ci n'était pas appliquée à la lettre, je ne me souviens pas très bien. Par contre, j'ai bien en mémoire les visages de ces trois jeunes filles qui ne voulaient pas entendre parler de sexualité, en pleine période de ramadan, et qui avaient, pour montrer symboliquement leur hostilité, relevé leurs voiles et couvert leurs oreilles.
Qu'importe. Plutôt que les inviter bêtement à sortir, je m'étais dit qu'elles pourraient toujours entendre une partie de l'intervention et y prendre ce qu'elles voulaient. Comme la classe était peu réactive, j'ai proposé les « petits papiers » : les élèves posent une question anonyme par écrit et nous tentons ensemble d'y apporter une réponse.
J'avais repéré le papier à gros carreaux utilisés par les trois jeunes filles et j'ai pu facilement les identifier :
« Peut-on être « déviergée » par derrière ? »
« Pourquoi la sodomie donne des grosses fesses ? »
« Peut-on attraper le sida par les fesses ? »Sodomie et virginité, les frères ennemis de la religion, l'association lubrique qui fait que probablement les nuits des croyants sont plus lubrifiées que leurs jours, surtout du côté de l'Orient... Derrière tout ça, émerge la question de la vraie définition de la virginité. Une fille peut-elle être considérée comme encore vierge si elle pratique la sodomie ? Ou la fellation ? La virginité se limite ou pas au caractère intact de l'hymen ?...
Les élèves sont souvent partagés sur la question, toutes confessions confondues. En tout cas, celles qui se battent chapelets et ongles pour limiter la virginité à la seule pénétration du vagin, ont parfois des petites aventures anales ou buccales à cacher... Dans l'intensité du débat, ça finit toujours par transpirer et surtout ça jette un petit froid... Pour résumé, et à l'unanimité, ça se pratique au bled, mais ici, silence radio, le téléphone arabe est au abonné absent...
Après avoir tant bien que mal régulé un débat parfois houleux, je me souviens avoir posé la question : « l'hymen d'une jeune fille vierge est-il toujours un peu ouvert ? »
La réponse a fait l'unanimité. C'était non. L'hymen était un voile (tiens, encore là, lui), dur, fermant hermétiquement le vagin, une sorte de couvercle Tupperware assurant la fraîcheur du produit...
J'avais imprimé quelques dessins de différents types d'hymen trouvés sur un site de gynécologie (http://www.aly-abbara.com/livre_gyn_obs/termes/hymen.html ). Je les ai fait passé en parlant de la compliance de l'hymen, de son ouverture plus ou moins importante selon les filles et de cette possibilité d'une première fois indolore et sans écoulement sanguin... Certaines étaient en état de sidération, au point de se demander si je n'étais pas rémunéré par le gros poilu aux sabots et à l'haleine de bouc pour semer le trouble dans les esprits sains. Je risquais le bûcher, frisais la lapidation. Heureusement que nous n'étions ni au Yémen, ni au Nigeria...Je leur ai fait part d'un témoignage d'une jeune femme qui le soir de ses noces s'était vu répudier par son mari d'importation parce que la pénétration avait été trop facile à son goût, à cause d'un hymen certainement compliant. L'acte avait provoqué des doutes quand à la véritable virginité de son épouse et le type avait demandé l'annulation de la cérémonie... Encore un mariage qui reposait sur l'amour et la confiance entre deux êtres et voué à la réussite !!
Les trois jeunes filles écoutaient attentivement. Je le devinais à la concentration de leurs visages. J'ai proposé ensuite une séance de scénarios à laquelle, elles ont refusé de participer en s'installant au fond de la classe... On frisait l'overdose de révélations. Aussi, je les laissais un peu mariner.
À la fin des deux heures et au moment où les élèves sortaient, je décidais de les interpeller pour leur demander leurs avis. J'ai d'abord lu l'incompréhension dans leurs yeux. Puis les doigts ont fouillé maladroitement dans les poches. Des lecteurs mp3 sont sortis et sous les voiles, j'ai distingué des écouteurs... C'est drôle quand la tradition vient masquer l'arnaque, ça démystifie le concept d'intégrisme. Le voile se faisait malin. Prises la main dans le pot de confiture, elles se sont marrés, non sans rajouter gentiment : « Merci, m'sieur, on a appris des choses ! »
Je suis certain que les intégristes de tout bord ne vont pas tarder à demander la mise en place d'une norme ISO, certifiant la virginité et estampillée par le grand mufti, le rabbin en chef ou le pape... Avant d'épouser une femme, ils chercheront l'étiquette et comme devant la barbaque au supermerde, ils exigeront la traçabilité... Pour peu, on assistera alors à l'émergence d'un nouveau métier : éleveur de vierge.
Pour illustrer mes propos, j'ai pris ce petit texte à la volée via google sur un forum beur (fautes comprises) :
L. - 07/02/2006, 19h46
Moi franchement ça m'angoisse de ne pas saigner la nuit de noce, mon mari va forcément se poser des questions. Et la belle famille qui attend de voir la tache de sang. Imagine qu'il n'y en ai pas, je me sentirai trop male.
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Par didurban1 le 6 Juin 2007 à 12:06Dans cette classe d'un lycée cossu du XVe à Paris, les réponses au remue-méninges autour du mot sexualité ont été assez soft. Nous sommes passés de «passion» à «amour», de «partage» à «contraception» et de «tendresse» à «partenaire», tranquillement, sereinement, sans scène d'hystérie collective. Il y a bien eu un «cochon» lancé par deux joues légèrement rougies et un «animal» un rien grivois dans le ton, mais dans les deux cas, toute la classe a immédiatement minimisé en donnant une connotation sympathique à ces idées cochonnes qui peuvent parfois traverser l'esprit. Et puis, il est bon, parfois, de réveiller l'animal qui sommeille en chacun de nous pour sortir de la routine horizontale... Rien de bien furieux, contrairement à ces classes où les élèves parlent de «viol», de «partouze» ou de «sodomie» d'entrée de jeu, à huit heures du mat'. Il faut dire que le XVe, ce n'est pas Grigny...
Puis vint le moment du jeu de rôle. Les quatre groupes ont planché avec envie sur des situations de prise de risques autour de la sexualité puisque tel était le sujet que je proposais. Le premier groupe fut rapidement prêt et sûr de son fait. Ils se mirent en place alors que les autres en étaient encore à ébaucher des scénarios dans la cour. Une fois la classe rassemblée et comme ils ne tenaient plus en place, je leur ai proposé de commencer. Les élèves se sont installés sur deux rangées, deux derrière une première table, les trois autres derrière eux. Le narrateur, un grand échalas aux cheveux frisés avec un faux air de Julien Clerc, période "filles aux bas nylons", s'est placé à côté des tables et a commencé : « C'est une famille dans une voiture. Il y a le père et la mère devant, le père étant au volant. Derrière, les deux enfants et le grand-père. Moi, je suis à la fois le narrateur et un passant. »
Dans la voiture, le père introduit :
- Vroum, vroum, chérie, tu veux bien me faire une pipe »
La fille qui joue le rôle de la femme s'exécute sans un mot. Elle se penche, un rien gênée. Si peu. Le narrateur bruite : « fuit, fuit ! ».
Derrière, les enfants embrayent :
- Nous aussi, maman, nous aussi, on veut des bisous ! ! !
La mère, avec peut-être un peu de sperme au bout des lèvres, sort de sa position d'Airbag pour dessous de ceinture et se retourne pour embrasser sa fille. Le grand-père goguenard, l'œil pétillant de luxure, se fend la poire.
Puis, hilare, la femme reprend sa besogne sur le sexe du mari qui se détend, les mains derrière la nuque. Le narrateur se transforme en passant qui se jette sous les roues du véhicule et s'écroule en imitant le bruit d'un freinage sec...
Tout le monde se lève. La scène est finie. La classe applaudit.
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Par didurban1 le 14 Mai 2007 à 10:40
La circoncision qui consiste en l'ablation totale ou partielle du prépuce, en laissant le gland du pénis à découvert, est souvent source de débats dans les classes. En effet, l'acte vient très souvent illustrer une appartenance communautaire de plus en plus revendiquée par les jeunes. Il y a les circoncis et les autres. Mais au sein de la grande famille des chauves, il convient de ne pas mélanger les scalps. En effet, il vaut mieux éviter d'associer le circoncis musulman et le circoncis juif, le circoncis chrétien et le circoncis athée pour cause de phimosis (incapacité de rétraction du prépuce derrière le gland). Mélanger tout ce petit monde des mutilés du prépuce, c'est risquer la guerre de religions. Mettre tout le monde dans le même sac ou préservatif, c'est risquer le bûcher. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on a le même gland, qu'on va sucrer les mêmes fraises après le passage du Styx.
La circoncision est pratiquée depuis la préhistoire. Si on imagine le type en train de se faire taillader le bout à grand coup de silex, on se dit que même le plus têtu des agnostiques devait finir par se convertir... On estime que la circoncision concerne aujourd'hui plus d'un tiers de la population masculine mondiale. Elle est essentiellement pratiquée pour des motifs culturels et religieux, mais aussi thérapeutiques et en prévention de certaines affections. On raconte à ce sujet beaucoup de conneries aux gamins car nombreux pensent qu'une fois circoncis, le pénis a une meilleure hygiène... Et pourtant c'est très facile d'apprendre aux enfants à se nettoyer correctement le sexe en le décalottant sous la douche. Ayant deux fils, je suis bien placé pour le savoir. Pour minimiser l'impact de la religion ou la dimension culturelle, on ne parle que d'hygiène. Une fois de plus, l'intégrisme communautaire avance masqué. Ce n'est pas nouveau.
La circoncision pose pour certains un problème d'éthique en raison du caractère barbare de cette mutilation du sexe et même sur Wikipédia, le sujet y a subi récemment une guerre d'édition... C'est dire si le sujet, au propre comme au figuré, est sensible... J'évite de provoquer le débat avec les jeunes, car le formatage familial est tel qu'il est inconcevable de remettre en cause la circoncision sous peine de se voir taxé de xénophobe, raciste et impur. Pourtant, personnellement, je ne peux m'empêcher de l'associer à l'excision, autre forme de mutilation génitale. A quand une banderole « Touches pas à mon gland » dans les manifs anars ou une place réservée dans les bus, avec les personnes âgées et les femmes enceintes, aux mutilés des religions.
Mais il y a quand même du bon, pas seulement dans le cochon, mais aussi dans la circoncision. Celle-ci, en supprimant le prépuce, entraîne une kératinisation de l'épithélium du gland et une diminution relative de sa sensibilité compte tenu de l'épaississement de la peau. Du coup, selon une étude franco sud-africaine exposée le 26 juillet 2005 à la troisième conférence sur les mécanismes de l'infection par le virus du sida, les hommes circoncis auraient une probabilité « jusqu'à 65% » moindre de contracter le virus du SIDA. Ces données ont été confirmées par deux autres études africaines montrant une diminution de près de la moitié de la contamination chez les circoncis. Il a été souligné que la circoncision ne protège pas complètement contre le virus du SIDA et qu'elle ne doit pas remplacer les autres méthodes de prévention mais venir en complément. (étude source Wikipédia)
Aussi, dans les classes, j'aborde ce sujet en marchant sur des œufs, sans mauvais jeu de mot... Je me souviens m'être un peu enflammé dans une classe et de nombreux garçons circoncis, avaient sauté de joie à l'annonce de cette étude en clamant haut et fort qu'Allah les aidaient bien, même dans leur sexualité... Autrement dit, l'idée de se passer de capotes suintait à travers les slips. Il en faut peu pour que les mecs délaissent les préservatifs et une étude parlant de 65% de diminution des risques tombe à pic. Voilà un fantastique argument publicitaire pour aider tous les crapauds de bénitiers à fourguer leur signe de reconnaissance et commencer à aiguiser leurs couteaux. L'hypocrisie ultime consiste alors à ne parler que de protection du SIDA et surtout pas de rapports sexuels.
Du coup, je me dis que c'est mieux de ne pas en parler. Tout simplement parce que le message est une fois de plus brouillé : « je n'entends que ce qui m'arrange bien ». Et si ce sont les élèves qui me questionnent sur cette étude, je minimise les chiffres afin de privilégier la protection en latex et non l'armure spirituelle. Certains diront que je mens. Moi, je répondrais tout simplement que je ne dis pas tout. Pour éviter le pire. La circoncision avec circonspection...
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Par didurban1 le 27 Avril 2007 à 14:50
Depuis quelques temps, je préfère passer plus de temps avec les ados sur la manière d'établir une relation, plutôt que sur les différentes pratiques sexuelles et les risques encourus. De toutes façons, pour un bon nombre d'entre eux, à 15-16 ans, le premier rapport n'est que fantasmé et s'ils pratiquent la sodomie ou le cunnilingus, c'est uniquement sur Playstation ou XBox. Les ados reconnaissent être saturés d'images à caractère pornographique. À la télé, sur le net, sur leurs portables, dans les rues, les images de cul sont légions. Mais finalement, on leur parle peu de la relation, de la rencontre, des divers sentiments qui animent le cerveau, des diverses hormones qui électrisent les synapses, quand on passe en quelques minutes de l'excitation à l'angoisse de mal faire, du fantasme à la réalité, du corps habillé à la nudité, du sourire Email Diamant à l'haleine de cendrier... J'ai trouvé sur un site éducatif québécois, un outil intéressant qui incite à la réflexion, nommé la règle des trois C et définie comme suit :
- Connaître ses propres limites, évaluer ses envies, ses désirs.
- les Communiquer à l'autre.
- s'assurer du Consentement mutuel.La notion de limites est souvent très floue. Jusqu'où sommes-nous prêt à aller par amour pour un partenaire ? Dans la sexualité comme dans le partage du quotidien. Dans la relation, les pressions sont multiples, les rapports de force incontournables. La jalousie, dictature qu'on travestie avec la robe immaculée de l'Amour, sert souvent de prétexte à une main mise sur l'emploi du temps de l'autre. Très tôt, les ados subissent les enjeux de la vie de couple sans s'y être préparés et nombreuses sont les relations conflictuelles. C'est toujours fascinant de les voir prendre à leur compte ce sujet sur les limites, car les débats ne manquent pas. Mais tout le monde n'a pas la même définition des limites, le même degré de protection de son intimité...
A ce sujet, hier, j'étais dans un CFA restauration hôtellerie, avec des futurs serveurs et serveuses, âgés de 18-19 ans. La plupart avaient connu toutes sortes d'orientations foireuses ou d'impasses existentielles avant d'échouer ici. Deux filles et une quinzaine de garçons s'y partageaient l'espace. Partager n'est pas forcément le mot, car dès l'arrivée en classe, la bataille a fait rage pour s'asseoir à côté des deux jeunes filles, habillées, premières chaleurs obligent, très légèrement. Les deux vainqueurs ont tout de suite abhorrés le faciès fier du mâle, chef de meute, qui a pris l'ascendant sur le reste du troupeau, doublé d'une option pour les travaux pratiques. Comme pour mieux signifier leur victoire, les deux coqs ont tout de suite posé leurs mains, l'un sur l'épaule, l'autre sur la cuisse de leurs voisines de classe. Puisque c'était le sujet, je leur ai demandé de se tenir correctement afin d'établir tout de suite des limites...
Comme je leur parlait de la règle des trois « C », une des deux filles, me jette d'un regard malicieux un : « Cul, Couilles, Clitoris », clamé comme un slogan de 68, capable à lui tout seul de faire imploser St Nicolas du Chardonnet, un dimanche de Pâques. Aussitôt la classe a exulté, frappé du poing sur la table, s'est astiqué les zygomatiques à défaut d'autres choses.
J'ai réprimé un sourire et lui ai rétorqué que c'était aussi une façon de voir les choses mais que, comme entrée en la matière, j'avais dans l'idée d'élever un peu le débat. Pour le reste, la bagatelle, nous y reviendrions au dessert. Le garçon à côté d'elle en a profité pour lui passer la main entre les cuisses. La fille a pouffé, s'est tortillée un peu et lui a fait un clin d'œil l'invitant à aller plus loin. L'autre couple s'affairait lui aussi. J'ai surpris dans la même seconde le garçon en train de nettoyer l'oreille de sa compagne à grand coup de langue, la main gauche dessinant des courbes autour d'un sein. Je me suis dis que si les autres s'énervaient aussi, l'intervention risquait de virer au Gang Bang...Heureusement, l'heure de la pause cigarette vint à mon secours. Je réussis à retenir une des deux jeunes filles, celle qui m'avait donné sa propre définition de la règle des <st1:metricconverter productid="3C" w:st="on">3C</st1:metricconverter>.
- Ça ne te gêne pas de te faire tripoter par un élève en plein cours.
- C'est rien, ça, monsieur, ça passe le temps.
- Tu ne t'es pas posé la question de savoir si ça pouvait gêner d'autres personnes de la classe ? Si ça pouvait me gêner ? Puisqu'on parlait tout à l'heure de limites, tu sais qu'on ne peut pas faire tout et n'importe quoi en société, en cours ? Qu'il y a un cadre, des lois ?
- Mais je les emmerde moi, les autres. Il me met juste la main sur la cuisse. Et puis, lui, je le connais. Je sais qu'il sait s'arrêter.
- Si je te demande de garder des distances pour la seconde partie, ça te convient.
- Oui, c'est bon, d'accord.
Elle est sortie en tortillant du popotin, tout en me jetant un regard qui aurait pu faire la couverture de FHM.Elle n'est jamais revenue pour la seconde partie de l'intervention. Son voisin, non plus d'ailleurs. A entendre les allusions des autres, j'ai compris qu'ils étaient passés aux travaux pratiques, en train de s'échanger quelques chlamydias aux toilettes. Je n'ai même pas eu le temps de leur distribuer des capotes...
12 commentaires -
Par didurban1 le 11 Avril 2007 à 14:59
C'est les vacances scolaires et les lycées se sont vidés. Les CPE et les profs prennent un repos bien mérité. En ce qui me concerne, je suis donc au chômage technique. Mais j'ai gardé quelques tranches de vie en stock pour les périodes creuses.
<o:p> </o:p>... La classe se vide à grand bruit de chaises qu'on traîne et de tables violentées. On devrait créer une association de défense du mobilier scolaire (ADMS). C'est vrai, aucun candidat n'en parle du mobilier scolaire sauvagement traité, tailladé dans son vernis, souillé au marqueur indélébile par des insultes débiles, tagué en rainures, crotté de déjections nasales... Et aucun CRS pour le protéger le mobilier scolaire et gazer ces salauds de lycéens qui le maltraitent. Enfin, bon, ils s'en vont tous, en toute impunité, un dernier coup de pied vachard dans la table qui se tait. Tous, sauf une fille, que j'avais à peine remarqué pendant l'intervention, appartenant à cette majorité silencieuse qui sourit des blagues des bouffons de service ou qui s'en dédouane par un haussement d'épaules. Elle semble empruntée, vérifie par-dessus son épaule qu'aucun élève n'est revenu.
- « Monsieur, vous avez parlé des violences physiques mais aussi psychologiques. Comment peuvent-elles se traduirent ? »
- « L'intimidation, la contrainte, la jalousie trop importante, l'isolement... tout ce que peut mettre en place, consciemment ou inconsciemment, le partenaire pour exercer un emprise sur l'autre. »
- « Mon copain ne veut plus que je vois mes amis. Surtout mon meilleur copain, mon ami d'enfance. Il est très jaloux. Il ne veut pas que je sorte sans lui. Je ne peux pas en parler avec mes copines car elles le trouve tellement sympa, qu'elles m'envient et ne comprennent pas que je me plaigne. »
Séduire les copines et se présenter en martyr plus qu'en bourreau, c'est le modus operandi de tous les hommes violents. Certes, le type n'a que 18 ans mais visiblement, il maîtrise déjà la technique.
- « Il a déjà été violent avec toi. »
- « Non... Heu, une fois, il m'a poussé contre les portes de l'ascenseur. Le jour où je lui ai dit que je n'étais plus vierge. Il m'a accusé de lui avoir menti au début de notre relation. Moi, je n'avais rien dit. »
- « Tu l'aimes ce garçon ? »
Elle me dit qu'elle n'est plus très sûre. Qu'elle a surtout peur de le provoquer, de lui dire. Elle craint sa réaction.
Je lui répète qu'elle n'a que 17 ans. Qu'on ne construit pas une relation sur la peur. Qu'elle doit lui parler. Essayer. J'ai un peu la sensation d'être un de ces généraux de cavalerie qui envoyait ses hussards à la mort tout en sirotant une fine agrémentée d'un cigare. J'anticipe un peu le vent du boulet qui risque de la couper en deux.Doucement, son visage se ferme. Ses épaules s'affaissent et des sanglots la secouent. Elle pleure. De grosses larmes de tristesse mais aussi de peur. J'hésite à la prendre dans mes bras car d'autres élèves scrutent de loin notre discussion et je crains les quolibets et les sous-entendus. Je lui pose la main sur l'épaule et lui propose de venir à l'infirmerie. Elle se reprend, respire un grand coup, refuse, prend congé, le tout en deux mots et quelques secondes. Je suis mal à l'aise. Je sens bien qu'elle ne dira rien, qu'elle craint pour son intégrité physique, qu'elle va subir la relation. Je ne peux rien y faire. Pour éviter d'être submergé car j'embraye sur une autre classe, je me durci. Comme un gland.
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