• L'année scolaire débute et pendant que les infirmières peaufinent leur planning d'interventions extérieures, je ronge mon frein (non, pas celui que vous croyez) en attendant la destination de ma première mission. Dans les médias, entre deux apparitions de Ben Laden sur fond de grotte grotesque en train de lire <st1:PersonName productid="la Lettre" w:st="on">la Lettre</st1:PersonName> de Guy Môquet à G.W. Bush, l'heure est aux grands débats sur la qualité de notre école : un marronnier de septembre. Sur Canal, l'autre soir, on a même vu le pire dans le raccourci journalistique. En effet, le documentaire tentait une comparaison hasardeuse entre notre système scolaire et celui du Danemark, forcément meilleur. Comparé un pays de 6 Millions d'habitants avec un de 63 millions relèvent de l'idiotie la plus totale. On nous a montré des classes de futurs vikings participant gentiment à toutes les propositions d'une maîtresse aussi érudit que jolie... Le meilleur des mondes teint en blond.

    Notre grande différence avec le Danemark, c'est que nous sommes un pays de forte immigration (pourvu que ça dure). Alors forcément, quand notre école accueille des enfants du monde entier, ce n'est pas toujours simple de trouver un langage commun, de créer un espace de rencontre pour toutes ces situations sociales si différentes. Ça demande forcément un peu de temps. Mais les gamins apprennent vite et petit à petit, n'en déplaisent aux irréductibles gaulois, notre société devient un vrai vivier d'échanges culturels. Si Canal voulait faire un panégyrique de l'école privée, les journalistes auraient dû le dire en préambule, j'aurais zappé tout de suite. Du coup, les parents s'inquiètent. Et un parent inquiet, ça éduque un gosse pas sûr, qui deviendra un ado dépressif, voire un adulte xénophobe... Je raccourcis à tour de bras et de virgules, mais les psys ne m'en tiendront pas rigueur....

    Du coup, contagion oblige, moi aussi, je m'inquiète un peu... Avec toutes nos interventions de prévention, nous participons à la construction d'une société peut-être trop anxiogène... C'est vrai, nos ados se cognent dans l'année, la prévention contre le sida, le tabac, l'alcool, le cannabis, les risques d'obésité, le mal-être, la violence, le racisme, l'antisémitisme, le cancer de la prostate, le Giscardisme, voire pire le Barrisme ... Ils voient défiler des anciens alcoolos, toxicos, gros (surcharge pondérale ayant pour cause une mauvaise alimentation ou une fréquentation trop assidue de Raymond Barre) qui viennent s'épancher sur des tableaux aussi noirs que leur histoire, utilisant la craie à des fins thérapeutiques. Il y a des jours où je me dis que c'est trop, qu'on charge peut-être inutilement la mule. Et puis d'autres, où suis persuadé que c'est nécessaire... C'est sain le questionnement sur ses pratiques, vont dire les professionnels de la profession. Certes, mais souvenez-vous, à notre époque, au siècle dernier, on avait qu'un seul type par an qui venait nous parler de la vie des grands. Et encore, le sujet abordé n'avait rien à voir avec les maux du monde mais souvent il venait simplement nous donner des idées de futures orientations professionnelles... Peut-être, finalement, plus dangereuses que la grippe aviaire ou le SRAS...

    Le pire, je l'ai vécu le jour où une infirmière m'avait dit en arrivant : - « vous tombez bien, c'est la semaine de la prévention. Ils sont ravis. »

    Tu parles, les élèves s'étaient ingurgités le lundi, une info sur l'alcool, le mardi sur les drogues, le mercredi sur les conduites alimentaires et je prenais le relais le jeudi sur le sida. Les pauvres gamins étaient prêts pour recevoir et mettre en pratique l'info sur le suicide du vendredi...


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  • <st1:PersonName productid="La Femme" w:st="on">La Femme</st1:PersonName> des Uns Sous le Corps des Autres – Serge Gainsbourg

    Hier soir sur France ô, j'ai vu un reportage sur l'homosexualité en banlieue. Evry, Grigny, Aulnay... Que des villes que j'ai appris à connaître, des lycées, des CFA que j'ai fréquenté et des phrases, des injures, des attitudes, des explications à la mord-moi-le-pitt que j'ai entendues. Quel courage, il a fallu à ces 4 jeunes, Emir, Mikaël, Brahim et Julia, pour témoigner à visages découverts devant la caméra, le pire ne venant pas toujours de la bande qui prend racine au pied de la tour mais parfois d'une mère : « je suis peut-être fatigante, mais moi je ne me suis pas fait enculer.. »

    Cette question de l'orientation sexuelle, je l'aborde toujours dans mes interventions et immanquablement, elle déclenche les mêmes réactions.

    - « c'est contre-nature. Dieu a fait les hommes pour aller avec les femmes. » Autrement dit, on a été conçu pour s'emboîter et surtout procréer. Point barre. Avec cet argument là, le débat est souvent stérile car la remise en cause de l'existence d'un Dieu tout-puissant et du Jardin d‘Eden, donc la genèse de l'humanité version couple hétéro, ça ne se fait pas.

    - « les pédés, c'est sale. Ils font honte à la cité, au groupe »...Aux autres mâles, quoi. Dans le reportage de Mario Morelli, le témoignage d'Emir est très touchant. Il vire au sublime quand il parle de sa liberté, de cette homosexualité qui lui a donné des ailes lui permettant de survoler le merdier et quand il décrit l'enfermement de tous ces machos, prisonniers de leur rôle de petite frappe hétéro, dépendant du regard du groupe.

    Quel courage, il leur a fallu mais en éteignant ma télé, je n'ai pu m'empêcher d'éprouver de la crainte pour leur intégrité physique. Je me souviens de ce CFA à St Denis (93) où les apprentis voulaient me tabasser parce que je « défendais les pédés », parce que j'en étais... Je les avais simplement invité à réfléchir sur cette question fondamentale :

    Choisissons-nous notre sexualité ?...


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  • À cause de tous ces mecs trop serrés dans le costard de Tony Montana ou déguisés en icônes gangsta. À cause de toutes ces salles d'arts martiaux transformées en arènes à la gloire du combat de rue. À cause des éléphants du PS que seule l'ambition cornaque depuis la nuit des temps. À cause de l'école publique qui perd son latin au profit du SMS. À cause de la menace intégriste et du plan vigibarbus. À cause des portables et des PSP qui crachent du mauvais rap. À cause de tous ceux qui te foncent dessus sur les passages piétons, défoncés à la mauvaise testostérone. À cause de ces banlieues dortoirs où les RER n'arrivent jamais, les bus une fois sur deux. À cause des histoires de bastons, de tournantes, de coup de boule, de regards appuyés, de muscles et de musc. À cause des « ta mère », « j'te nique », « ta gueule ». À cause de ces capuches qui cachent l'absence de neurones. À cause de mes débuts de mois difficiles et de mes fins de mois pas possible. À cause des vols de goûter dans le sac de mon fils à la piscine. À cause de ceux qui ont fumé la (Mondiale) Moquette à Bondy. À cause de la mauvaise dope qui traîne. À cause du salopard qui a brûlé Sohane, des pédophiles génétiquement obsédés, des petits caïds de merde qui ont violé Samira. À cause des routes pourries, des logements dégradés, des types qui te marchent sur les pieds, des merdes de chien qui te collent à la semelle. À cause des campeurs sauvages qui squattent avec leurs tentes Quechua les bords du périph ou du canal St Martin. À cause de la reformation version zombie des Who et de Devo, du revival de Krarftwerk. À cause des queues au ASSEDIC ou à la boulange. À cause de tous ces étrangers qui viennent bouffer le quignon de pain des français.

    À cause de tout ce merdier, j'aurais dû voter à droite.

    Et pourtant, je ne l'ai pas fait. Parce que je sais que ce n'est pas en réprimant, tabassant, expulsant, homophobisant, kärcherisant, dictaturisant que les choses vont changer.


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  • John Howard, le premier ministre australien, veut empêcher l'entrée sur son territoire d'immigrants atteints du VIH. La liste des pays qui refusent d'ouvrir leurs frontières aux séropos s'allonge. Je crois que j'ai trouvé dans Wikipédia, les raisons de ce copier coller de la politique américaine en la matière. En effet, il y est expliqué que "le kangourou", animal emblématique du pays du boomerang, "s'est extraordinairement adapté aux conditions de vie extrêmes du bush". À trop s'adapter au Bush, on finit par enculer du kangourou.


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  • Une petite parenthèse pour B. qui aimerait tant refaire sa vie. Qui est séropositive depuis 15 ans. Sa charge virale est indétectable grâce à une trithérapie en vacances d'effets secondaires. À son boulot, personne ne se doute qu'une saleté de virus lui pourrit l‘amour depuis près de 15 ans. Chaque fois qu'elle rencontre un type amoureux, prêt à l'emmener à Venise, ou même à Ornans, la cité lacustre du Doubs (c'est pour vérifier si Ramin et Delphine suivent...) et qu'elle lui annonce sa séropositivité, il prend ses jambes à son cou, et les billets d'avion avec... D'ailleurs, elle en témoigne : peu de ces quadras sont prêts à mettre des préservatifs. Le sida, ça ne concerne que les jeunes, les autres. Les autres, c'est toute l'histoire de cette épidémie. En Afrique, c'est le voisin, de l'autre côté de la rivière, qui a emporté dans ses valises ce fichu virus. Ou plus généralement, ce sont les blancs qui souhaitent l'éradication du continent noir. Pour les Européens ou Américains, ça ne fait aucun doute, l'Afrique subsaharienne est à la fois l'origine et la cause de l'épidémie. Dans les couples hétéros, l'homme accuse souvent sa femme, cette traînée. La femme montre du doigt l'homme infidèle. Les hétéros fustigent les homos et les homos accusent les hétéros... La contamination est souvent la faute de l'autre. Et qui dit faute, dit coupable. B. est donc coupable. Jugée sans avocat par tous ces types prêts à faire l'amour sans préservatifs, qui se pensent probablement immunisés face aux IST et qui pensent qu'une personne infectée l'a bien cherchée. B. lit dans le regard de ses partenaires toute la peur qu'inspire le virus mais aussi l'étonnement. « Quoi, toi aussi, mais comment ? ». B. est seule. Très seule. Son mec est mort 15 ans auparavant, emporté par le monstre et la dope. Mais, tous les ans, B. a des collègues de bureau qui filent de la thune au Sidaction, épingle au revers de leur veste le signe de la lutte contre le sida, imaginent des actions au réfectoire entre midi et deux mais remballent aussi sec leur stand quand on vient leur annoncer qu'on a un test positif au VIH. Les chiffres, les statistiques, ça donne envie de s'engager. Les vrais gens, de se barrer. Alors, beaucoup de séropos vivent seuls, cachés. D'ailleurs, B., elle demande qu'on la nomme B. Une lettre toute seule... Elle aussi.

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