• Solitude Immuno Déprimante Acquise

    Une petite parenthèse pour B. qui aimerait tant refaire sa vie. Qui est séropositive depuis 15 ans. Sa charge virale est indétectable grâce à une trithérapie en vacances d'effets secondaires. À son boulot, personne ne se doute qu'une saleté de virus lui pourrit l‘amour depuis près de 15 ans. Chaque fois qu'elle rencontre un type amoureux, prêt à l'emmener à Venise, ou même à Ornans, la cité lacustre du Doubs (c'est pour vérifier si Ramin et Delphine suivent...) et qu'elle lui annonce sa séropositivité, il prend ses jambes à son cou, et les billets d'avion avec... D'ailleurs, elle en témoigne : peu de ces quadras sont prêts à mettre des préservatifs. Le sida, ça ne concerne que les jeunes, les autres. Les autres, c'est toute l'histoire de cette épidémie. En Afrique, c'est le voisin, de l'autre côté de la rivière, qui a emporté dans ses valises ce fichu virus. Ou plus généralement, ce sont les blancs qui souhaitent l'éradication du continent noir. Pour les Européens ou Américains, ça ne fait aucun doute, l'Afrique subsaharienne est à la fois l'origine et la cause de l'épidémie. Dans les couples hétéros, l'homme accuse souvent sa femme, cette traînée. La femme montre du doigt l'homme infidèle. Les hétéros fustigent les homos et les homos accusent les hétéros... La contamination est souvent la faute de l'autre. Et qui dit faute, dit coupable. B. est donc coupable. Jugée sans avocat par tous ces types prêts à faire l'amour sans préservatifs, qui se pensent probablement immunisés face aux IST et qui pensent qu'une personne infectée l'a bien cherchée. B. lit dans le regard de ses partenaires toute la peur qu'inspire le virus mais aussi l'étonnement. « Quoi, toi aussi, mais comment ? ». B. est seule. Très seule. Son mec est mort 15 ans auparavant, emporté par le monstre et la dope. Mais, tous les ans, B. a des collègues de bureau qui filent de la thune au Sidaction, épingle au revers de leur veste le signe de la lutte contre le sida, imaginent des actions au réfectoire entre midi et deux mais remballent aussi sec leur stand quand on vient leur annoncer qu'on a un test positif au VIH. Les chiffres, les statistiques, ça donne envie de s'engager. Les vrais gens, de se barrer. Alors, beaucoup de séropos vivent seuls, cachés. D'ailleurs, B., elle demande qu'on la nomme B. Une lettre toute seule... Elle aussi.

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