• "Quand tu troues la meuf…" (pour parler de la première fois), "tu lui fais un massacre", "tu la tues", "tu la déboites avant de cracher"…
    Le langage guerrier s'installe parfois dans le discours des mecs pour parler de sexualité et affirmer ainsi leur virilité.
    Du coup, on passe du temps sur les mots, leur valeur, leur impact et on se demande pourquoi on a laissé la violence se banaliser.
    Ces phrases, je les ai écrites sur le tableau au fur et à mesure de l'animation. Ils en ont d'abord ri et puis quand nous les avons relues en fin d'animation, gênés, ils m'ont demandé de les effacer.
    - Pour combien de temps ? ai-je demandé.
    Travailler sur les mots c'est prévenir aussi les actes.


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  • Qu'ils singent les poses gangstas des rappeurs sous stéroïdes, ou celles aguicheuses des bimbos fessues sur Instagram, ou qu'ils mythonent des soirées libertines sous Krokodile, un vent de conformisme souffle pourtant sur les aspirations des ados. Étonnement, beaucoup prétendent à la sécurité d'une vie éloignée des hastags provocateurs,se rêvant pères, mères et mêmes propriétaires. Du coup, ce n'est pas aisé de leur fourguer la contraception, partagés qu'ils sont entre le sentiment d'une parentalité qu'il juge prématurée et l'envie qui les titille de se reproduire. Quand on leur demande comment éviter une grossesse non désirée, ils citent spontanément les préservatifs et la pilule. Si le port de la capote est globalement acquis, les questionnements de l'adolescence sont loin de faire le jeu de l'observance (respect des prescription, dose et heure de prise). Prendre la pilule tous les jours réclame une sacrée motivation. Ingérer un médicament sans être malade, c'est un peu comme tweeter sans followers : bien relou.

    «Y'a aussi le truc bizarre dans le bras.» L'implant est populaire, mais conserve tous ses mystères. À 15 ans, imaginer qu'un bâtonnet gros comme une allumette va diffuser dans le corps un progestatif bloquant l'ovulation pendant 3 ans, ça relève du côté obscur de la Force. De toutes façons, dès qu'on parle gynéco et légère incision, les volontaires ne sont plus légions. Œstrogènes,progestérone, menstruations, glaire cervicale… comme me l'avait signalé un apprenti en mécanique option poésie, « dès qu'on met le nez dans le moteur, c'est tout de suite moins kiffant». Certes, mais du coup, on se retrouve avec des filles (et des mecs) totalement incultes en dessous de la ceinture.

    L'anneau vaginal, le diaphragme et la cape cervicale, j'y fais juste référence, car les ados ne se sentent pas vraiment prêtes à explorer l'intérieur de leur sexe. Le patch n'étant pas pris en charge, il reste le DIU - « le quoi? » - le stérilet, ce vieux truc de daronnes qui « fait penser à un hameçon qui doit bien niquer le vagin » … Vagin et utérus ne font souvent qu'un à l'adolescence.

    Et puis, il y a les méthodes alternatives à la sauce ado.

    La méthode Ogino s'apparente aux pires épreuves de Koh-Lanta : sachant que l'ovocyte survit 1 jour après l'ovulation et que les spermatozoïdes résistent jusqu'à 5 jours après l'éjaculation, calculez la période optimale de fécondité sans jouer votre collier d'immunité. C'est loin d'être gagné !

    Crise oblige ou simple bêtise, il y en a encore qui, en panne de préservatifs, assurent les retourner ou les laver avant réutilisation! Certains racontent même des histoires de rapports sexuels avec du plastique autour du vît, comme un surimi ! Le coït pouvant virer au thermoformage, on comprend mieux les origines de l'expression « être à la colle » ! Provocation ou pas, ils convient de rappeler que seuls les préservatifs estampillés NF et CE protègent des grossesses et des IST.

    Certaines ont adopté la méthode Coca. Aujourd'hui, on ne prône plus les vertus spermicides d'une bonne douche vaginale avec la boisson gazeuse, mais on l'a adapté : "Si on boit du Coca juste après avoir fait du sexe, ça diminue les risques de grossesse ? » Non,le Coca Zéro ne veut pas dire zéro bébé et le Coca Cherry n'attirera pas l'homme ou la femme de votre vie.

    Dans le hors-catégorie, un jeune avait expliqué à l'infirmière qu'on pouvait aussi mettre des cailloux dans la shnek. Info prise, les bédouins caravaniers en introduisent dans le vagin des chamelles pour éviter les grossesses. Ce spécialiste des femelles à deux bosses s'est aussitôt fait recadrer.

    Fumer jusqu'au filtre rendrait stérile,selon une légende ado-urbaine. « J'avais peur d'être enceinte et je finissais toutes les clopes de mes copines pendant les pauses ». L'haleine de cendrier peut être un bon contraceptif sans aller jusqu'à se brûler les doigts.

    À un âge où on a du mal à s'engager, logique que la technique du retrait ait ses adeptes. Mais quand je mentionne la présence du liquide séminal et la difficulté de maitriser une éjaculation, on sent l'angoisse parcourir les travées. Et puis « quand le keum, il éjacule à côté, ça fait un peu film porno ».

    Il y a celles qui se lèvent juste après le rapport pour annihiler toute tentative d'escalade des spermatozoïdes, et celles qui tournent le dos à la contraception et à leurs partenaires, offrant leur anus.

    Si l'accès à la contraception d'urgence est acquis, certains parlent de coups de poing ou pied dans le ventre pour avorter sans passer par des praticiens, toujours suspectés de balancer. Quelquefois, ce sont les filles qui le réclament à leur copain. Fabulation ou pas, le plus surprenant, c'est que les ados ne sont que rarement gênés par la violence de tels actes.

    Et puis, il y a la méthode contraceptive divine : l'abstinence avant le mariage.Mais les Écritures, c'est simple sur le papier et plus compliqué à exécuter. J'ai le souvenir d'une fille évangéliste enceinte à quatorze ans et demi. Elle se revendiquait contre l'IVG et la contraception. Elle voulait aller au bout de sa grossesse, mais elle a fait une fausse couche. Dieu est peut-être grand, mais l'inconscient a une tête de plus que lui.


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  •  Saviez-vous qu’il n’existe pas moins de 375 journées mondiales répertoriées (journee-mondiale.com) ?! Plus que de jours calendaires ! Et comme les causes se bousculent au portillon de l’humanité, on va forcément passer aux demi-journées internationales de mobilisation, voire aux quarts d’heure mondiaux de lutte.
    Le 25 novembre, par exemple, c’était la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ça a tellement changé la donne que le kidnappeur en chef de Boko Haram en ricane encore ! Des thématiques de journées mondiales, on peut en pondre à l’infini. Tiens, le 26 octobre, à la place de cette grotesque, mais bien réelle, Journée mondiale des pâtes, pourquoi ne pas instaurer la « journée mondiale contre les CRS dans les zones humides », en hommage à Rémi Fraisse ? Las, ces journées de soi-disant mobilisation planétaire ne sont que des coquilles vides. Elles permettent aux élus d’aérer leurs mocassins à glands et à certains d’apaiser leur mauvaise conscience grâce à un engagement de vingt-quatre heures chrono, le pin’s bien visible au revers de la veste. Les ados, eux, en général, ça leur passe au-dessus du piercing, même s’ils ne sont pas trop réticents à l’idée de faire sauter des cours. Généralement, ils passent de l’une à l’autre comme on se refile une chicha, et pourtant ce n’est pas faute de forcer le trait humanitaire pour s’assurer de leur compassion.
    Pour les militants de la lutte contre le sida, la journée mondiale est le 1er décembre. C’est con d’avoir choisi le 1er décembre, parce que souvent il fait un temps à ne pas mettre un séropo dehors. Si j’ai le souvenir de mobilisations fortes au début de l’épidémie avec des « die-in »* réunissant des milliers de personnes, cette journée est devenue l’ombre d’elle-même. Une fois, à Neuilly (Hauts-de-Seine), à la fin d’une conférence, les lycéens et les adultes étaient tous prêts à affréter un charter pour jouer les humanitaires à Brazzaville (République du Congo). Mais quand je les ai invités à s’engager à quinze bornes, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le sida est devenu tout de suite moins exotique. Pour une journée mondiale, monsieur, on ne fait pas dans le local. On rêve sans frontières, on fait son Kouchner.
    Le pire, je l’ai vécu récemment dans un lycée où les élèves, sur injonction de l’infirmière, avaient organisé une rencontre-débat sur le thème « vivre avec le VIH ». La salle était en sous-sol, éclairée aux néons, froide comme un couloir de la Pitié-Salpêtrière. L’assistance était majoritairement féminine, au même titre que l’engagement associatif. Les mecs faisaient la « grasse », sponsorisée par les Nations unies. Des comédiens révisaient des textes censés ponctuer le débat. Les organisateurs ont accueilli un groupe de personnes venant témoigner de leur séropositivité, un rien gênés face à un virus qui prenait soudain figure humaine.
    « Ils ont encore des cheveux ? C’est chelou, non ? – Peut-être que c’est pas des vrais… »
    Nombreux sont les ados qui associent sida et chimio. J’imagine que, pour eux c’est rassurant de mettre des symptômes sur un virus fantôme. On allait développer, quand la sono nous a rappelés à l’ordre. Un prof avait playlisté Sid’amour à mort, de Barbara, sur Spotify, ce magnifique morceau qui stimule les glandes lacrymales des vieux et endort les jeunes. Puis, les comédiens ont lu des textes d’Hervé Guibert (écrivain mort du sida) et de Barbara Samson (première mineure à témoigner de sa séropositivité). En quinze minutes, ils nous ont plombé la salle en exhumant l’urgence des années 80 à grands coups de textes mortifères. À quelles fins, si ce n’était pour faire pleurer dans les chaumières ? Les gamins étaient blancs comme des globules, incapables de prendre la parole. On était en plein décalage tant, aujourd’hui, la réalité de l’épidémie est tout autre, avec l’espoir porté par les Prep (prophylaxie pré-exposition), les tests de dépistage rapides, les charges virales indétectables, les vies qui s’allongent.
    Heureusement, l’éternelle question sur le sida et les singes a allégé un peu l’atmosphère. Mais les comédiens ont à nouveau enchaîné sur des textes de malades en fin de vie, qui ont renvoyé tout le monde six pieds sous terre et quelques années en arrière. Une jeune femme, séropositive depuis la naissance, s’est effondrée en larmes, devant les élèves, interdits. Les précieux témoins avaient perdu toute envie de témoigner. Heureusement, les relents de friture venant de la cantine ont mis un terme au cauchemar.
    Journée mondiale oblige, tout le monde s’est autoapplaudi avant de se diriger vers le buffet. C’était beau comme un Sidaction. Il ne manquait que Clémentine Célarié pour rouler des pelles à tout le monde et Pierre Bergé pour rappeler que le Téléthon confisque tout le pognon.
    Le sida et sa journée mondiale sont entrés dans les évènements à cocher sur le calendrier, comme un passage obligé, gravé dans le marbre comme dans le temps. Quelquefois, j’ai l’horrible sensation que certains regrettent les morts en série pour refaire l’actualité. Invité à la matinale du Mouv, l’année dernière, l’animateur radio m’a rappelé, entre deux pubs et une info sida, qu’on était surtout là pour se marrer. Il se croyait un 5 mai, Journée mondiale du rire.
    Un bon conseil, cette année, anticipez le 1er décembre en achetant vos capotes deux jours avant car, le 30 novembre, c’est la Journée mondiale sans achats. Et si vous ne coïtez pas dans les heures suivantes, vous pourrez toujours les recycler en masque de guerriers japonais pour la Journée mondiale du Ninja, le 5 décembre.

    Dr Kpote (kpote@causette.fr et sur Facebook
    Illustration : Dugudus pour Causette

    * Démonstration pacifique où les manifestants s’allongent par terre tous ensemble sur la voie publique.


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  • Je me déplace dans les lycées pour y rencontrer les jeunes, mais ce sont les adultes qui m’invitent et m’accompagnent. Sur des sujets aussi sensibles que la sexualité ou les conduites addictives, eux aussi ont leurs propres représentations, et celles-ci transpirent parfois malgré leur obligation de neutralité.

    Je me souviens d’un prof qui, pour faire la blague, m’avait interpellé avec un soupçon de mépris : « Ah !voilà Mr Sida ! Ah, ah ! » Quand je lui ai rétorqué que j’étais effectivement séropo et qu’« avoir le sida comme carte de visite, je m’en passerais bien »,j’ai senti son monde de suffisance s’écrouler sous les regards outrés de ses collègues. Malgré ses excuses, je l’ai planté là avec ses regrets, sans lui avouer mon mensonge. Il a pu ainsi tester un vrai message de prévention : la séropositivité avançant généralement masquée, il convient de ne pas s’en moquer à la volée.

    Suivant la capacité des élèves à encaisser l’information ou, plus sûrement, celles des adultes à l’assumer, l’établissement change l’intitulé de mes animations. Celles-ci deviennent tour à tour « conférence sur le sida », « information sexualité », « échanges sur la vie amoureuse » ou« un sujet qui devrait vous intéresser. Allez, je vous laisse avec le monsieur ». Parfois, on réserve la surprise pour éviter tout débat avec l’au-delà et s’assurer de la présence des élèves. Du coup, on entretient les tabous et je perds un bon quart d’heure à rassurer toutes les sensibilités.

    Le premier contact se fait à la grille et signaler aux surveillants que je viens causer drogues au milieu d’un nuage de fumée et d’élèves peu pressés me vaut des regards chargés de pitié, genre « pauvre vieux, c’est pas gagné ».

    À l’intérieur, les infirmières sont mes guides. Je les suis comme le messie dans les longs couloirs de ces immenses paquebots échoués que sont les lycées. En général, la salle réservée est toujours squattée par un cours qui a débuté malgré les plannings maintes fois déposés dans les casiers. À l’école comme dans les prisons, on est confronté à la surpopulation.

    Les infirmières respectent la confidentialité, même si j’en ai croisé une, plus cancanière que la moyenne, qui, tout en me listant les enfants de VIP fréquentant son bahut parisien, me confiait ses soupçons de défonce liée à la vie de bohème de leur « people »de parents. Ça peut servir un jour, si je veux bosser à la télé.

    Dans le genre « je te mets au pied du mur et prouve-moi tes qualités de grimpeur », une autre m’avait lâché juste avant d’entrer en classe : « Ah ! j’ai oublié de vous signaler qu’il y a plusieurs garçons qui ont été arrêtés pour un viol collectif. Leurs copains sont très remontés contre la fille qui a porté plainte, mais vous avez l’habitude de ce genre de situation, non ? » Ben, voyons. Autant dire tout de suite que j’ai refusé d’animer parce que parler du consentement et de la relation à l’autre avec des mecs dont les frères de survêt sont en garde à vue « à cause d’une salope qui l’avait bien cherché », c’est du foutage de prévention. Refusant de jouer les urgentistes façon « cellule de crise » sur W9, nous ne sommes pas restés bons amis.

    Je me souviens aussi d’un prof remplaçant, le genre barbu au niveau du cul, qui, tout en ignorant la main tendue et le regard de l’infirmière, voulait déserter en me laissant la responsabilité de sa classe en toute illégalité. Celui-là, je ne me suis pas gêné pour le rappeler à l’ordre, et il a dû se cogner les vérités sur la virginité et la parité pendant deux heures. J’ose espérer qu’en tant que remplaçant il continue de cirer le banc.

    Mais il y a aussi des profs engagés qui me signalent, par exemple, qu’ils viennent de finir un travail en français sur des textes LGBT américains ou le procès de Bobigny *. Parfois, il convient de tempérer un peu leurs prises de parole qui pourraient les mettre en danger. J’ai eu quelques mots avec celui qui invitait les mecs à s’imaginer avec un sexe dans la bouche pour mieux appréhender l’engagement que nécessite une fellation ! Ce n’était pas la meilleure porte d’entrée pour aborder sereinement l’homosexualité. J’ai une pensée émue pour un jeune prof exalté qui avait fait son coming out en plein débat homophobe et qui allait probablement se le traîner toute l’année. Et que dire de celui qui avait balancé à des élèves qui s’appuyaient trop sur la pudibonderie des écritures que Mahomet se tapait des putes ?Assurément, un fonctionnaire qui plairait à Farida Belghoul et ses potes de la « journée de retrait »…

    Certains adultes ont tendance à s’emballer sur des sujets où les élèves semblent timorés, en oubliant que, contrairement à moi, ils restent toute l’année. Je pense à cette prof très participative lors d’un débat sur la masturbation féminine. On imagine aisément les gamins ricaner à la cantine : « Tu vois la prof là, avec le plateau, eh ben, elle se touche le clito. »

    Ça fait des années que je partage ce fameux statut d’intervenant extérieur avec le toxico repenti, la rescapée d’Auschwitz ou les gynécos du planning, ce statut signifiant que, même si je ne suis que de passage, certains ne m’oublient pas. D’ailleurs, un jour où je me baladais tranquillement en civil dans Paris, deux jeunes m’ont apostrophé comme un pote de quartier : « Hé, Mr Sexuel, vous avez encore des capotes? » devant mon fils interloqué.


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  • Par exigence professionnelle, j’ai toujours une kyrielle de préservatifs dans mon sac, et ça peut désorienter ceux qui ne connaissent pas ma profession. J’ai le souvenir d’un vigile de musée, zélé sur la fouille et qui, ayant découvert ma réserve, avait eu l’air aussi troublé qu’un sympathisant de Civitas parachuté dans un couvent des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Après lui avoir fait comprendre que j’aimais donner le goût du métier, il n’a pas tardé à biper ses collègues, qui, hilares, se sont largement servis. Fi de Facebook pour se faire de nouveaux amis : un paquet de capotes suffit !

    Les capotes, c’est mon fonds de commerce. Quand j’ouvre mon sac d’abondance et que j’annonce aux ados la distribution à venir, mon capital sympathie grimpe aussi vite que le prix du baril en période de guerre dans le Golfe. Si j’osais la métaphore biblique et la marche sur l’eau, j’incarne à ce moment-là une sorte de néo-Prophète, multipliant condoms et lubrifiant comme des petits pains. Par prudence, j’évite soigneusement les capotes au chocolat depuis que Copé s’est fait carotter les siennes par des musulmans faméliques, victimes du méchant ramadan.

    Pour les préservatifs comme pour le reste, les ados sont des grands malades de la marque. Et pourtant, comme on ne court pas plus vite avec des Puma ou des Nike au pied, on ne fornique pas mieux en Manix ou Durex au gland. Revendiquer haut et fort une marque, c’est faire genre « je maitrise » devant la galerie et, du coup, afficher une fiabilité testée. Dans la famille des légendes urbaines adolescentes, la rupture de capote au plus fort de l’acte est devenue un grand classique. Il y a tellement de capotes qui se déchirent dans les lycées qu’on se demande pourquoi les Chinois continuent de caracoler en tête du hit-parade de la démographie. Mais peut-être que l’industrie du latex ne réserve aux adolescents que des préservatifs bas de gamme non adaptés à la vigueur de leurs coups de rein ?! Les plus puritains y voient une intervention divine pour punir les pécheurs qui osent pratiquer sans sacrement et les plus marxistes-léninistes, rares au sein de cette adolescence à la conso compulsive, un coup de ces « salauds de labos » pour faire exploser les ventes de RU486 ou de Norlevo (dite "pilule du lendemain").

    Sauf que souvent, de rupture, il n’y en a pas, parce que de préservatifs, il n’y en a point… L’ado, par anticipation des reproches, abuse l'adulte référent, rechigne à la confession. Les raisons de se passer de protection malgré toutes les animations de prévention dès le collège sont légions : les soirées bien arrosées, le manque de sensations, la dimension technique de la pose, la peur de manquer de temps et de voir la virilité se dégonfler ou l’objet du désir se carapater…

    La démonstration de la pose du préservatif dans mes animations demeure toujours un grand moment de communion. Pour éviter tout hétérocentrisme, je sors des préservatifs féminins en évoquant aussi les risques de transmission entre filles et les godes partagés. Certains s’en émeuvent alors que les sextoys s’affichent en Une des magazines : c’est tout le paradoxe de notre société. Même les plus réticents à toute forme de débat sur la sexualité se rapprochent pour ne pas en rater une miette. J’utilise un avatar de pénis taillé dans le bois à ma disposition, présentant une taille moyenne pour ne traumatiser personne.

    Au nom de l’amour, des sensations et du sacro-saint plaisir partagé, c’est drapé de l’aura de grand prélat de l’erectus dei que j’invite mes fidèles au recueillement, devant cette icône divine et phallique. Dans un silence de cathédrale, je prêche, un à un, les dix commandements du condom.

    Tu contrôleras la qualité de l’emballage, car, pendant tous ces mois de choux blancs accumulés, tu l’as si souvent tripoté au fond de ta poche qu’il est bien élimé.

    Tu vérifieras la date de péremption (et non de transpiration comme un adepte du sport en chambre me l’avait soufflé à Pantin), histoire d’éviter la porosité.

    Tu ouvriras l’emballage sur toute la longueur, sans tes dents, tes ongles, tes ciseaux, ta bite et ton couteau.

    Tu vérifieras bien le sens avant de la dérouler pour éviter tout contact avec le liquide séminal, ce liquide incolore qui lubrifie le gland et le rend brillant dans la nuit.

    Tu pinceras le réservoir, pour éviter la fameuse bulle d’air qui éclate sous l’effet piston.

    Tu la dérouleras sur toute la longueur de ton sexe en érection, et ça peut être long.

    Tu ajouteras, éventuellement, du lubrifiant, car c’est la wax du surfeur de l’amour, qui comme la vague irrésolue, va et vient entre tes reins.

    Tu donneras et tu prendras du plaisir, car, c’est toujours ça que les bigots n’auront pas.

    Tu tiendras le condom quand tu te retireras afin qu’il ne reste pas dans le vagin ou l’anus de ton/ta partenaire, car il convient de ne pas confondre « exploration des sens » et « spéléo ».

    Tu feras un nœud avant de t’en débarrasser dans la poubelle verte. Pas la jaune, car le préso ne s’utilise qu’une fois et point tu ne le recycleras.

    Voilà, mes chères ouailles, vous pouvez maintenant aller (et venir) en paix. Et n’oubliez pas le denier du cul avant de sortir.


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