• SIDA, on meurt. Certains en font leur beurre.

    Sidaction télégénique, capotes hérétiques et déclarations canoniques, le sida refait la une. Trente ans d’épidémie et d’information n’ont pas suffi à avoir la peau de certaines représentations. Petit florilège drainé au fil de séances de prévention qui prouve qu’il n’y a pas que le pape qui dit des conneries.

    Le sida est toujours un facteur de discrimination. Les séropositifs, dès lors que leur statut sérologique est révélé, rencontre des difficultés professionnelles, administratives et relationnelles… Mais plus vicelard, le sida sert aussi d’alibi pour stigmatiser un peu plus tous ceux qui incarnent la différence. Les « déviants » infectés sont devenus l’exutoire idéal pour les intégristes de tout bord.
    À qui la faute ? Dans l’histoire du sida, la question de l’origine de la contamination est un grand classique. Il faut un coupable. Donc une victime qui a subi la contamination comme une agression. C’est un mécanisme de défense très utilisé, pour éviter d’être celui ou celle qui l’a bien cherché.

    Du coup, beaucoup de jeunes Africains revendiquent la thèse du virus inoculé sciemment par les blancs, qui souhaitent s’octroyer les richesses du continent et se débarrasser des noirs.
    Le virus du sida a franchi la barrière des espèces et réussi sa mutation en passant du singe à l’homme. Acte zoophile et preuve ultime de la décadence humaine, nombreux sont ceux qui pensent que l’origine de ce passage est anale. Pratique, puisque ça permet aussi d’égratigner, sous l’étiquette sodomite, les homos pour les hétéros, les noirs insatiables pour les blancs coincés de la fesse et les fausses vierges déniaisées par derrière pour les barbus du cul… Du coup, la théorie du singe à l’anus étoilé, demeure largement véhiculée.
    À l’annonce de la séropositivité, le couple implose, chacun renvoyant l’autre à sa culpabilité, à son infidélité. Mais en général, on en profite aussi pour faire le solde de tout compte.
    Côté réacs, l’étranger est souvent le vecteur de transmission et les jouisseurs multi partenaires subissent l’opprobre des missionnaires au foyer fixe…

    Depuis quelque temps, je rencontre un vrai retour du concept de punition divine autour des personnes infectées. Les voies du seigneur étant impénétrables, seuls les mécréants nymphomanes peuvent être punis. La muqueuse du gland étant plus épaisse chez les circoncis, les risques de transmission sont plus faibles. À la diffusion de l’information, beaucoup d’entre eux ont traduit qu’ils pouvaient enfin sortir à découvert et les VRP de l’au-delà s’en sont servi pour faire la chasse au prépuce. Les différents papes en ont fait leur fond de commerce pour vendre de l’abstinence et je me souviens d’une église évangéliste qui faisait monter sur scène des miraculés ayant soit disant réussit une séroconversion grâce à la lumière divine… "Le seigneur est mon berger" et le sida, un chien qui sert à rabattre les agneaux en perdition.

    La fameuse paranoïa de la seringue infectée sous les sièges du RER ou du cinéma est déjà une légende urbaine. Cette rumeur invite à la discrimination des toxicos, puisque la seringue infectée aurait été installée par ce salaud de drogué qui veut se venger de la société…Combien de quartier ont été nettoyés en aiguillonnant la peur ancestrale de la seringue volontairement jetée pour infecter les pauvres petits enfants innocents. À la RdR (réduction des risques), beaucoup préfèrent la EdT (l’élimination des toxs).

    Si on rajoute à cette longue liste de parias, les détenus qui s’enculent en cellule, les prostitué(e)s et le pauvre moustique, bien incapable de contaminer qui que ce soit, on finit par comprendre que le sida a une utilité pour les parangons de la morale et tous ceux qui gagnent leur croûte sur la chasse aux nuisibles. C’est à se demander si certains ne rêvent pas de voir le virus obtenir le label "d’utilité publique".
    Le slogan d’Act-Up "Sida, on meurt. L’indifférence demeure." n’est plus d’actualité. Il conviendrait de scander "Sida, on meurt. Certains en font leur beurre."


  • Commentaires

    1
    Mardi 31 Mars 2009 à 13:29
    Bonjour Didu,merci pour cette mise au point.
    Je viens de lire cet article dans Libé et j'aimerais bien que tu nous dise ce que tu en pense,enfin si tu veux :) http://www.liberation.fr/societe/0101558918-le-dogme-de-la-capote Cette phrase m'a beaucoup étonnée:"Et d’abord le traitement, qui peut être la meilleure des préventions." Je pensais au prix des traitements en Afrique par ex. Le "dogme capote" dont parle cet article n'est il pas du justement au fait que le préservatif est encore le moyen de protection le plus accessible? Sur le reste,j'avoue qu'il faut être un peu au fait des dernières techniques de prévention pour se faire un idée... Sur Act Up j'ai encore entendu à la radio des critiques sur les méthodes considérées comme contre productives(je ne me souviens plus du contexte,j'avoue) On à parfois l'impression que chacun prêche pour sa communauté et qu'il y à des dissensions entre assos,peut être que l'info passe moins bien pour cette raison?
    2
    Mardi 31 Mars 2009 à 14:21
    Maquettes
    Nous avons une amie, séropo depuis une bonne quinzaine d'années, qui a une charge virale indétectable depuis plusieurs années grâce à une trithérapie qui fonctionne bien sur son organisme. Son médecin lui a même indiqué qu'elle pourrait parfaitement avoir des rapports sexuels sans préservatifs, le traitement faisant office d'outil préventif. Son copain, séronégatif, convié à ce RDV a entendu mais a bien du mal à accepter. Tout ça pour dire que la notion de multiprévention existe réellement sauf que ça fait 25 ans qu'on parle du préservatif, donc il est bien ancré dans les têtes. Il ne faut pas nier que la capote est aussi une barrière visible, palpable, physique à la transmission du virus. C'est donc plus sécurisant psychologiquement. Je suis assez d'accord avec l'article d'Eric Favereau. si on veut mettre toutes les chances de notre côté, soyons à l'écoute des nouvelles découvertes en terme de prévention. Le préservatif est important mais pas unique et son utilisation a ses limites (j'en entend tous les jours). Pour revenir aux prises de position du pape et ses sous-fiffres, je ne vois pas pourquoi tout le monde crie au scandale. Son discours n'est pas nouveau et on n'en attendait pas moins de sa part. Les chefs religieux sont bien là où on les souhaite, c'est à dire dans le néant. Maintenant si leurs ouailles digèrent toutes leurs salamalecs, qu'y pouvons-nous ? Croire en une puissance divine, c'est un peu comme se faire enculer par le Père Noël sans préservatif.
    3
    lou
    Mardi 31 Mars 2009 à 19:01
    un mot de lou
    Oui, j'aime bien le ton (un peu bouffe-curés, mais il semble que tu saches de quoi tu parles), et puis ta réflexion sur les quadra-cadres, dont la femme, au foyer, est une femme "entretenue" (j'ai parlé un peu de cela à propos de Proust et de la madeleine - c'est ma promo !). Et tes djeunes de Bagnolet sont impayables :))) mais, un jour, quand ils pousseront leur poussette pendant que la maman travaille en attendant qu'eux, ils (re)trouvent un emploi, tu les auras ! Alors le doigt, c'était toi ? Je n'avais pas identifié l'empreinte. Pourquoi je dois taper "DUREX" ?
    4
    lou
    Mardi 31 Mars 2009 à 19:06
    blogg-bugg
    Le message vient de passer, alors que bloggorg me le refusait. Il doit falloir connaître le code. Je ne parle pas du machin ci-dessous. Aujourd'hui : 43OQQ (ça veut dire quoi ! :)
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    5
    Jeudi 2 Avril 2009 à 16:54
    Prêchez donc...
    Curieusement et malheureusement, je suis blanche, pas catho certes, mais hétéro et pas du tout nympho.Je vous jure. Je suis juste une fille qui a déconné...Du coup, je me pose la question de la transgression de l'interdit. Attendez, je m'installe et je m'explique : On sait tous qu'il faut mettre un préservatif...pourtant combien ne l'oublie jamais ? Je dis bien JAMAIS... La prévention c'est la capote, d'accord, mais ne doit-on pas aussi parler de l'acte sexuel, celui du plaisir, celui qui fait tourner les têtes et qui au final nous fait transgresser les interdits ? C'est exactement la même chose avec les fumeurs, on sait qu'il ne faut pas fumer, qu'on va finir avec un cancer en train de cracher nos poumons...et pourtant on fume. Combien n'ont jamais essayé ? La prévention ne doit-elle pas se faire plus en amont que le moment où on doit mettre le préservatif ? Bref, j'ai été un peu longue, là...je vous livre en live une petite réflexion perso... A+
    6
    Jeudi 2 Avril 2009 à 20:17
    Elisabeth
    je crois en effet que la prévention est inutile si elle délaisse le facteur humain. Nous ne sommes pas des machines programmées... Heureusement... Malheureuse parfois. N'essayons pas de convaincre, contentons nous de faire réfléchir. You're welcome.
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