• Bander à la muscu, c’est grave docteur ?

    Bander à la muscu, c’est grave docteur ?

     

    Photo : Пара

    Histoire de varier un peu les plaisirs, j’utilise parfois, en animation, un outil de « modération de forum » où les jeunes se mettent dans la peau d’un·e expert·e, tentant d’apporter des réponses à leurs pair·es sur la Toile. Dans le champ des compétences psychosociales, cet outil réalise presque le grand chelem, puisqu’il permet de faire preuve de pensées créatives, de développer une pensée critique, de montrer qu’on est capable de communiquer efficacement et de tester ses capacités à résoudre un problème. En gros, le genre d’exercice qui pourrait transformer Twitter en ashram de geeks yogis, où Aïssa Maïga et Vinze Cassel se rouleraient des pelles.

    Je projette un post capté sur un forum d’ados pour que les jeunes le commentent tous ensemble, les invitant à un vrai temps de pure empathie vis-à-vis de leur prochain. Cet exercice est aussi une invitation à s’engager concrètement dans la relation d’aide, ce qui – soyons ambitieux – peut faire naître des vocations.

    Pour aborder le genre et les orientations sexuelles, le post d’un dénommé « Trousy » est aux petits oignons. En substance, son témoignage explique qu’il a 16 ans et qu’il s’est toujours considéré comme hétéro. Il souligne qu’il prend soin de lui en pratiquant la musculation. Mais depuis peu, à force de regarder des vidéos de corps sculptés sur YouTube et de fréquenter des gars à la salle, il bande. Il maintient qu’il aime les filles « mentalement, physiquement et sexuellement » et tente une explication rationnelle : son corps serait gay et sa tête hétéro. Il termine par cette supplique à notre adresse : « Je commence à déprimer et j’ai besoin de vous, les gens. »

    Je m’adresse alors au groupe : « Vous lui conseillez quoi à Trousy ? Il a besoin de votre aide ! » – « Eh ben, t’es pédé, mec ! » La sentence est tombée au premier rang, de la bouche d’un garçon dont l’attitude indiquait clairement qu’il aimerait passer à autre chose. Il a expliqué qu’il fallait « arrêter de se prendre la tête », que « quand on est pédé, il n’y a pas à tergiverser pendant des heures ».

    Un autre lui a répondu : « C’est plus complexe. Je connaissais un mec qui se croyait pédé jusqu’au jour où il a embrassé un garçon. Comme il n’a rien ressenti, il s’est dit qu’il ne l’était pas. » Au passage, j’ai mis un peu la pédale douce sur le terme « pédé » rarement positif dans la bouche des non-concernés et je leur ai demandé de parler de « gay » ou d’« homo ». En tout cas, sa réflexion était juste : seules nos expériences pouvaient nous aider à y voir plus clair dans nos attirances.

    Toutefois, une érection n’est pas forcément associée à un objet de désir clairement identifié. Par exemple, le matin, les restes de cette fameuse tumescence pénienne nocturne qu’on tente de masquer au petit déj avec l’élastique de notre caleçon ne signifient pas qu’on éprouve une attirance sexuelle pour la brioche de notre père ou pour les pancakes de notre mère. Et si c’était le cas de Trousy, à la salle dès potron-minet et dépassé par la propre vie de son vit ?

    À trop extrapoler, la classe a eu besoin de revenir à du concret, du solide. « Trousy doit changer ses horaires de salles pour qu’il soit le moins possible en contact avec des mecs. » J’imaginais le gars, planqué derrière des lunettes fumées devant un Fitness Park observant toute la journée les allées et venues genrées afin d’opter pour des horaires suintant fort l’œstrogène. Je ne lui donnais pas vingt-quatre heures avant d’être taxé de pervers par l’ensemble du cours de pilates du jeudi soir. Le garçon qui s’était exprimé privilégiait donc l’évitement, au risque que notre héros nie ses désirs, scelle un tabou sur des questions essentielles pour sa santé mentale et sexuelle.

    « Moi, j’ai une autre explication : il a grave faim et qu’importe le trou. Comme en prison ! Faut qu’il nique. » Le garçon qui émettait cette hypothèse souhaitait clairement qu’on arrête le jus de crâne pour revenir aux fondamentaux anaux.

    De nombreuses voix se sont élevées, car on pouvait « être en chien » et avoir une envie irrépressible de pénétrer, mais fallait pas non plus « boucher n’importe quel trou ». Je leur ai rappelé que notre ami Trousy racontait simplement son trouble devant des corps de mâles en plein effort. « Vous n’avez jamais kiffé les films de gladiateurs, les gars ? » aurais-je pu leur demander en hommage bien huilé à Kirk « Spartacus » Douglas, mais je n’ai pas osé partir sur ce ­terrain glissant.

    Le lendemain, dans un autre lycée, un jeune garçon a émis l’hypothèse que notre Trousy était peut-être un « bicurieux ». J’ai trouvé l’expression fleurie, et on a abordé la bisexualité comme possibilité, avec la diversité des attirances à l’adolescence. Certains l’envoyaient quand même dans un salon de massage asiatique pour découvrir « le plaisir de se faire tripoter par des femmes expertes ». D’autres le dirigeaient vers un sexologue ou un psy afin de lever tout soupçon de maladie mentale.

    Cette histoire de corps gay et de tête hétéro m’a fait penser à un épisode de la série Black Mirror, où deux amis jouent ensemble en réalité virtuelle ultra réaliste à Striking Vipers X, jeu inspiré de Street Fighter. Leur amitié se transforme quand ils finissent par entretenir une relation sexuelle virtuelle, délaissant le fight pour le coït. Les deux joueurs se posent la question de leur éventuelle homosexualité révélée par le jeu et cela les trouble. De la même manière, la salle de sport serait le théâtre de la Second Life de Trousy, un espace parallèle où ses fantasmes pourraient s’exprimer sans crainte d’être jugé par ses proches. Une fille a stoppé net nos réflexions : « Moi, Trousy, je lui dis respire, détends-toi, teste en fonction de tes rencontres et tu verras bien. » On a conclu en lui concoctant un programme fitness adapté : se faire les fessiers au cours de zumba, les quadriceps à la presse à cuisses, les muscles oculomoteurs pour mater à 180 degrés sans se fatiguer et muscler sa langue à la machine à café au gré de ses attirances. Alors Trousy, heureux ? • Dr Kpote

    kpote@causette.fr et sur Facebook/Twitter


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