-
#balancedufric
Depuis quelques années, nous sommes passés d’une prévention axée essentiellement sur les risques lors de rapports non protégés (IST/MST, grossesses non prévues) à celle englobant l’ensemble de ce qui se joue dans la relation à l’autre, la vie affective et sexuelle. La notion de consentement étant enfin abordée clairement, les violences sexuelles, le harcèlement et le sexisme se sont invités dans nos animations. En permettant aux concernées de s’exprimer, j’ai d’abord été surpris par l’importance du phénomène et puis, j’ai appris à l’intégrer systématiquement dans les débats. Les adolescentes mais aussi les femmes que je côtoie dans mon existence ont nourri de leurs témoignages mes propos et m’ont invité à me questionner sur ma condition d’homme cis et sur l’image que celle-ci me confère dans la société et devant mes pairs. Grâce à elles, je pense avoir bonifié ma posture professionnelle et amélioré l’utilité de mes interventions.
Avec le tsunami de révélations #metoo et #balancetonporc, je mesure encore plus l’immense chantier qui nous attend sur le terrain de la prévention. Personne, désormais, ne pourra dire « je ne savais pas ». Quand je lis, ici et là, que de nombreux mecs s’obstinent dans un négationnisme inquiétant, symptôme d’une empathie à l’agonie, sous perfusion de testostérone, je me dis qu’on a perdu trop de temps pour les éduquer. En effet, la prévention vis à vis des jeunes s’est amplifié au moment de l’explosion des contaminations par le virus du sida. Même si on n’a jamais dit officiellement que le public prioritaire était les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) pour éviter toute stigmatisation, la réalité de l’épidémie nous y obligeait. Les femmes ont été les grandes oubliées de cette période. Les mecs hétéros aussi, d’autant plus qu’ils ne fréquentaient pas les associations. Comme on était très centrés sur la prise de risque viral (on passait beaucoup de temps sur la transmission « technique » du VIH), seul le planning familial sensibilisait les jeunes sur les violences faites aux femmes et le sexisme. Les mecs s’en foutaient ou se sentaient agressés dans leur virilité. Heureusement les intervenant.e.s en santé sexuelle ont su évoluer et étoffer d’eux.elles-mêmes leurs champs d’intervention. Pour faire bouger les lignes, je pense que la prévention doit AUSSI être incarné par des hommes engagés, qui se doivent d’accompagner les plus jeunes dans la déconstruction des stéréotypes masculins et de les aider à s’approprier le combat pour l’égalité.
Les hashtag ont ouvert la voie, mais plus que jamais, le salut viendra de l’éducatif…
Mais la question qui reste en suspens, c’est quels moyens vont être réellement débloqués pour combattre ce fléau ? Quelques heures de prévention au collège et au lycée n’en viendront pas à bout. Quelques initiatives de profs engagé.e.s non plus. La police et la justice sont concernées car régulièrement les jeunes filles que je rencontre me signalent qu’elles ont perdu confiance dans ce système incapable d’accueillir leur douleur, de les accompagner dans les procédures et qui les renvoie trop souvent à leur solitude de victime. Les parents sont concernés. Comment les sensibiliser aux inégalités générées par une éducation trop genrée ? Les entreprises, les associations, les partis politiques sont concernés. Qui va les inviter à organiser des débats internes sur le sujet ? Qui va orchestrer les formations ? Qui va les financer ? Les lieux publics, les universités, les grandes écoles, les bars, les boites de nuit, les salles de concerts sont aussi concernés.
C’est une chose de parler d’un projet de loi contre le harcèlement de rue mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut les moyens de financer une véritable révolution de l’éducatif, pour bousculer au chœur de la transmission inter-génération, les stéréotypes de genre et les inégalités qui en découlent.
Quand on entend un Bruno Le Maire se prendre les couilles dans le tapis des « dénonciations », on mesure tout le chemin, que dis-je l’autoroute à 5 voies, qu’il nous reste à parcourir…
Alors, pour Mr Macron et celleux qui suivront, #balancedufric pour la prévention et l’éducation.
-
Commentaires