• Un poil old school

    Un poil old school

    Photo Laura Lafon
     
     
    Les poils sont des milliards à agoniser au fond des bondes sans que personne s’en émeuve vraiment. Pas une manif pour sourcils mutilés, pas une association de défense du pubis dénaturé ! Et pourtant, qu’ils ciblent ceux des ­aisselles, des jambes ou du bas-ventre, les poili­cides sont en nette augmentation à l’appel de la bronzette. Cette année, les poils ont bien failli échapper au génocide d’été. En effet, pendant les deux mois de répit confiné, ils avaient retrouvé un semblant de liberté, distanciés des diktats esthétiques et des pressions normatives. Au jeu des poils qui grattent, l’inégalité perdure, puisque ceux des femmes sont nettement plus surveillés, symbole d’une virilité que les mecs ne sauraient partager. Et même si les premières sont de plus en plus nombreuses à afficher leurs aisselles poilues, leurs détracteurs dénoncent la rusticité de leur choix. Cette injonction à être imberbe, des dessous de bras à l’interfessier, peut générer du mal-être chez les ados, très sensibles aux questions esthétiques à un moment où ce corps qui leur échappe est soumis aux jugements arbitraires d’autrui et aux normes de beauté imposées en Insta-tané.
    Dans mes animations, il fut un temps où j’accueillais les jeunes avec la projection de Natural Beauty, un travail photographique réalisé par Ben Hopper, mettant en scène des femmes assumant complètement leur pilosité. Je laissais la classe s’installer et commenter avant de commencer la séance de prévention. Ça causait corps et normes, et les onomatopées exprimant le dégoût fusaient. Je leur lisais le propos d’une des modèles tempérant l’acte militant : « Je me suis épilée plusieurs fois depuis, parce que j’étais incapable de me débarrasser du sentiment ridicule de ne plus être féminine en robe avec des poils. J’étais gênée lorsque les gens me regardaient ou chuchotaient à mon propos. J’ai honte de dire que je me suis excusée auprès de certains. » D’autres modèles de Hopper évoquent ce temps d’adaptation pour se détacher des regards dépréciatifs de leur entourage.
     
    La présence de poils sur le corps féminin, c’est une bonne entrée pour évoquer ce sentiment de honte, totalement intégrée par beaucoup de filles, sans même qu’elles en identifient les sources. Elles expriment souvent un ensemble d’opinions très négatives concernant leur physique. C’est valable pour les poils, mais aussi pour les cuisses, les seins, les fesses… Chez les femmes, tout semble calibré au bon vouloir des hommes.
    Un garçon a lancé le débat : « - Encore heureux qu’elle s’excuse ! Elles font exprès de se laisser pousser les poils pour nous emmerder ! C’est le nouveau truc des féministes. »
    « - N’inversons pas l’ordre des choses. Notre corps étant naturellement poilu, celles et ceux qui se rasent font plutôt exprès d’éliminer leurs poils », lui ai-je répondu.
    Il convenait de pointer que c’est notre environnement socioculturel qui nous impose ces interventions sur le corps et non l’inverse. Mais, malins, les jeunes ont vite compris que je les attendais au tournant du stéréotype sur les normes esthétiques. Ils ont donc sorti le joker de l’odeur ! L’argument du dessous de bras qui pue, pour des Franciliens habitués des RER bondés, c’est irrévocable.
     
    Quand on aborde l’épilation, beaucoup mettent en avant l’odeur pour justifier un choix en réalité esthétique. Contrairement à ce qu’ils croient, une aisselle poilue ne transpire pas plus qu’une épilée. Mais on ne peut pas nier que l’odeur dégagée par la première peut être plus forte, les poils retenant les odeurs.
    Pour positiver, j’ai signifié que notre odeur corporelle faisait partie de notre identité, pouvait traduire aussi bien notre alimentation, notre niveau ­d’anxiété que nos activités. Fallait-il gommer tout ce qui nous caractérise et homogénéiser nos effluves pour satisfaire le business de l’esthétisme ? J’ai donc tenté de les sensibiliser en touchant au porte-monnaie et en évoquant la « taxe rose », qui fait que les produits ­d’hygiène féminine sont vendus plus cher. Même roulé sous les aisselles, l’argent n’a pas d’odeur pour les multi­nationales de la beauté formatée, mais pour être honnête, je n’ai pas senti une adhésion folle à ma thèse anticapitaliste.
     
    Il me restait l’amour. Une fois la tête dans les aisselles, reprenait-il du poil de la bête ? Un garçon a tenté de nous éclairer : « Imagine, tu ramènes ta meuf pour popoyer. Elle enlève son tee-shirt et elle a plus de poils que toi. Moi, je ne couche pas avec Chewbacca. C’est du gâchis, une belle fille poilue.
    – Mais pour se popoyer, ne se met-on pas à poil ? » ai-je ironisé, en expliquant que l’expression prenait ses origines dans le milieu équestre où monter un cheval à poil signifiait sans selle. La relation avec le cheval est plus fusionnelle et ça augmente les sensations.
    J’avoue que cette version country du Kama-sutra était plus facile à vendre à un groupe de Rednecks texans qu’à une classe de lycéen·nes de l’Essonne, mais dès qu’on parle de sensations accrues, ça produit toujours son petit effet. Du coup, certains n’ont pas manqué de signaler que pour bien « popoyer », rien ne valait un sexe épilé.
     
    Une fille a immédiatement ramené sa science du voyage : « Le fantasme du sexe rasé, c’est purement occidental. En Extrême-Orient, c’est mieux d’avoir des poils. En Corée, il y a même une insulte qui dit “Ta mère a la chatte toute nue” parce que ce sont les prostituées qui s’épilent. » Elle en a conclu que le mec qui demande à sa copine de se raser « la prend pour sa pute et cherche à la dominer ». Elle a tenu à ajouter que c’était plus facile pour une star d’exhiber ses poils : « Quand tu es connue, tu peux te la jouer velue. Des mecs, y en a des kilos dans la salle d’attente, prêts à te lécher sous les bras pour s’afficher avec toi ! »
    Les filles ont toutes acquiescé et certains garçons ont assuré que, même pour sucer les poils de Beyoncé, il faudrait les payer.
    « Monsieur, il y en a qui se paient des vraies coupes pour leurs poils de chatte. Elles vont chez le coiffeur ? » Le type se voyait déjà barbier pour schnecks, postant des tutos de dégradés progressifs réalisés sur les meufs de son quartier. Un fou rire a secoué les travées.
    Au final, je me suis dit qu’avec le temps, les codes esthétiques pouvaient vite évoluer et qu’un jour, les filles à poils ça ne choquerait plus personne. Enfin, j’y pense parfois le matin en me rasant, comme disait qui vous savez.
     
    Dr Kpote
    kpote@causette.fr

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