• Les boules au chaud à Concarneau

    Cet été, alors que Booba et Kaaris se comparaient la teub au duty free de l’aéroport d’Orly, je suis allé faire pénitence devant trois membres du collectif breton Thomas Boulou, efficients promoteurs de la contraception masculine et d’un « contracep’tour » qui les a baladés, en 2017, de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, à Liège, en Belgique. Mon article sciemment caricatural au sujet du « slip chauffant » dans le Causette estival les ayant irrités, c’est dans un rade de Concarneau qu’on a remis les pendules et les burnes à l’heure. « Les stéréotypes sur le remonte-couilles, on a du mal… Peut-être parce qu’on est dedans toute l’année », a brillamment résumé l’un d’eux. La contraception « testiculaire » – terme préféré à « masculine » parce qu’on peut être doté de valseuses sans être assigné mâle – ayant largement fait ses preuves, les Boulou réclament une communication plus positive sur le sujet.

    Téléchargeable sur le site de l’Ardecom – Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine, née de groupes de parole d’hommes féministes dans les années 1970 –, le guide du collectif explique une démarche qui dépasse la préoccupation anticonceptionnelle partagée : « Au-delà du partage des responsabilités, prendre en charge la contraception lorsqu’on est un homme peut aider à reconsidérer ce qu’implique sa vie sexuelle, non seulement sur les questions de contraception, de consentement, de plaisir ou d’IST [infections sexuellement transmissibles, ndlr], mais aussi sur les plans affectifs, relationnels, sociaux. Ça peut être l’occasion […] de questionner autrement sa masculinité, au-delà des questions de sexualité.... »

    Le nom Thomas Boulou, qui signifie vaguement en breton « boules au chaud », pourrait faire croire que toute la bande s’est pécho sur Grinder. « On s’est rencontré autour de l’attraction animale », me répond avec humour Christian, le quinqua du groupe, stipulant qu’ils sont tous paysans éleveurs. Militants alter et anticapitalistes, pas étonnant que leur lutte se teinte de féminisme. Pour preuve, le collectif est né pendant le festival féministe Clito’rik, en avril 2015 à Trégunc (toujours dans le Finistère), où ils ont animé un atelier non mixte sur « le plaisir avec ou sans coït ». C’est lors de cette manifestation et au contact de militants de l’Ardecom que les Boulou ont décidé de vanter les bienfaits de la contraception masculine. Pour lutter contre le sexisme et les effets pervers du patriarcat, rien de mieux que le partage d’un vécu au quotidien, d’autant plus que « la contraception dite “masculine” ne s’oppose pas à la maîtrise par les femmes de leurs propres fertilité et contraception. Les techniques utilisées par les hommes et celles utilisées par les femmes peuvent l’être en complémentarité, ou en alternance : elles permettent d’élargir le choix dans nos relations ou d’augmenter l’efficacité. » La déconstruction, ça les fait bien marrer parce que ça fait un bail que, eux, ils ont mis le casque de chantier.

    Deux d’entre eux m’assurent utiliser la méthode de contraception thermique en portant un slip dit « chauffant », le troisième ayant opté pour la vasectomie, ne souhaitant pas d’enfants dans son existence polyamoureuse. Mais c’est bien ce fameux « remonte-couilles » qui sera au cœur de notre discussion. Ce procédé mécanique, qui consiste à porter un sous-vêtement spécifique au quotidien quinze heures par jour pour placer les testicules à l’entrée des canaux inguinaux, ils le soutiennent et celui-ci le leur rend bien. Les testicules ainsi maintenus, leur température augmente de 2 °C environ, diminuant la concentration de spermatozoïdes dans la semence des mâles. Mais que ceux-ci se rassurent, ainsi « contracepté », on est toujours capable de bander et jouir. Pour Christian, les réticences et les angoisses face au slip thermique viennent de « la méconnaissance de l’anatomie masculine ». Les mecs imaginent toujours le pire quand on les invite à déplacer une partie de leur service trois-pièces.

    Adeptes du Do it yourself, les Thomas Boulou étalent sur la table une bonne dizaine de protos de leur confection. « Quand on nous invite, on débarque toujours avec nos machines à coudre pour partager notre expérience. »

    Sur leur site, ils ont prévu d’éditer des tutos pour prouver la facilité d’utilisation du « remonte-couilles ». Ils me présentent différents modèles, dont le jockstrap avec élastiques sur les fesses, qui, à l’instar du string, laisse la raie libre. Mais le joyau de la collection, c’est le soutien-gorge détourné de sa fonction mammaire. Un beau prototype en dentelle mauve, agrémenté d’un anneau pour le passage du pénis, vient bousculer les codes du masculin sous mes yeux. Aurélien précise, en s’appuyant sur l’exemple d’un zadiste de Notre-Dame-des-Landes fier de son slip fabriqué à partir d’un soutif en dentelle rouge : « Notre démarche inspire, libère l’imaginaire sur les sous-vêtements masculins. Beaucoup de mecs montrent leur envie de sortir des stéréotypes de genre. » Christian, lui, roule des chaussettes, coupe le bout, rajoute un lacet pour pouvoir adapter l’anneau ainsi formé à la morphologie de sa verge. Le lacet « devient un élément décoratif intéressant, puisque, perso, je ne suis pas trop porté sur la dentelle », nous confie-t-il. Pour ceux qui auraient peur de perdre leur identité de genre dans les frous-frous, ils m’assurent que le modèle cockring sous le maillot de bain pour aller à la plage fonctionne aussi très bien. Dans leur atelier de Quimper, un samedi par mois, n’importe qui peut venir fabriquer son propre « boulocho », comme ils l’ont baptisé. Benjamin estime que « c’est mieux de s’appuyer sur un groupe d’autosupport, porté par les usagers eux-mêmes, plutôt que de voir un toubib pas forcément au courant des techniques de contraception ».

    « Remonter les couilles, c’est facile, naturel, spontané et non douloureux… C’est ça notre message ! » tient à résumer Aurélien. Et Christian d’ajouter : « Pour les observants, on n’a aucun échec répertorié ! Avec un spermogramme, tu vérifies facilement ta fertilité. Si au bout des trois mois de spermatogénèse tu n’es pas en dessous du seuil contraceptif d’un million de spermatozoïdes par millilitre, tu changes de méthode ou tu portes le slip plus longtemps. »

    Un rien casse-couilles, comme j’abordais le problème de l’âge et des testicules qui pendent, Benjamin m’a renvoyé l’argument qui va cartonner dans les Ehpad : « Dans vingt ans, des sexagénaires auront des testicules de jouvenceaux parce qu’ils les auront soulevés toute leur vie ! »

    Même s’ils ne l’occultent pas sur leur guide, les Thomas Boulou ne sont pas trop portés sur la contraception hormonale pour les mecs. Anticapitalistes et écolos, ils essaient de s’affranchir de la toute-puissance des labos et de leur chimie marchande. L’avantage de la contraception thermique, c’est qu’elle peut totalement être prise en charge par les usagers. Christian ­imagine même réaliser un jour lui-même ses spermogrammes. Les Thomas Boulou tiennent à leur liberté de choix et à leur indépendance. Forcément, ça ne va pas plaire à tout le monde, mais ça force le respect. Perso, vu qu’ils m’ont offert deux prototypes de slip, je ne vais pas me gêner pour les soutenir.

    DR KPOTE

    Permanence atelier : chaque premier samedi du mois, de 14 à 17 heures, à La Baleine, 35, rue du Cosquer, Quimper (29). Site du collectif : contraceptionmasculine.fr


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