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Le 8 mars, oublie tes droits et touche-toi !
Je ne sais pas si le 8 mars 2018 restera dans l’histoire de la lutte pour les droits des femmes comme celui de l’adpology – comprendre « excuses sous forme de réclame » –, mais une mini branlette intellectuelle a secoué la pulpe du monde de la pub ! En effet, après plus d’un siècle de messages hyper stéréotypés et sexistes, un collectif de pubeux anglais s’est fendu d’un film d’excuses * à ce sujet. Ces chasseurs insatiables de paradis en bikini et de bourrelets disgracieux nous ont délivré des messages du type : « Désolé d’utiliser des femmes qui portent du 40 dans des pubs pour des vêtements de grandes tailles », « Toutes nos excuses aux femmes de plus de 50 ans qui sont jouées par des femmes de 35 » et, comme bouquet final, un « Désolé que la plupart d’entre vous n’aient jamais vu quelqu’un qui lui ressemble dans une pub », qui a définitivement scellé notre condition de parias de la beauté… Cette petite session de surf sur la vague égalitaire bien ciblée par vos médias-planneurs est encourageante, mais pour être franc, je vous ai trouvé, messieurs les Anglais, un rien timorés au regard du flux de conneries que vous éditez.
Pour aborder la notion de santé mentale avec les jeunes, je me suis dit que cet acte de contrition pouvait parfaitement illustrer la manipulation commerciale à laquelle nous sommes sans cesse soumis. Du coup, je l’ai diffusé dans une classe à majorité féminine. Eh bien, sachez que les filles n’ont pas entonné l’hymne du MLF en criant victoire. Elles se sont montrées sceptiques, témoignant n’avoir plus aucune illusion sur une société qui fait de l’objectivation de leur corps une monnaie courante. L’une d’elles a même rajouté, fort à propos : « Monsieur, c’est un peu comme le Jour de l’an, on vous souhaite plein de belles choses. On vous embrasse et puis, le lendemain, tout est oublié et c’est la même merde qu’avant. » Mais notre voisine Albion n’est pas la seule à faire dans la perfidie, car chez nous aussi, le 8 mars demeure une grande journée de promo bien sexiste pour les femmes, qui ont pu boire des coups gratuits en boîtes de nuit, gratter des places à 5 euros pour assister au match Stade français-Castres (un acte manqué, cette histoire de Castrais ?), ou quitter leur cuisine pour des heures de shopping à taux réduit ! J’ai même reçu un mail avec de belles promos sur les vibros. Autrement dit, le 8 mars, oublie tes droits et touche-toi !
Sur le terrain, cette journée de lutte reste une bonne entrée en matière pour parler de relation à l’autre, de vie affective et de sexualité. Dans un lycée du Val-d’Oise, j’ai débuté par un enjoué : « Nous sommes le 8 mars. Savez-vous à quoi correspond cette date ? »
– La Journée des femmes, ont hurlé, d’une seule femme, les filles. Bingo pour le raccourci. Merci qui ?
– Et ça veut dire quoi, concrètement ? Qu’il faut être sympa avec vous ?
– Non, monsieur, c’est une journée où on dénonce ce que subissent les femmes. Viols, harcèlement…, a réajusté presque miraculeusement l’une d’elles.
– C’est aussi la commémoration du droit de vote, a surenchéri une autre.
– Donc, ce n’est pas la Journée des femmes, mais bien la Journée des droits des femmes ! » ai-je conclu l’échange.
Comme je les questionnais sur l’existence d’une possible égalité entre les genres, une jeune fille, cachée derrière de longues extensions rouges, a martelé plusieurs fois : « Ça n’existe pas l’égalité, ça n’existe pas. » Au bout de sa litanie, elle a repris : « Les salaires, par exemple, j’ai lu que c’était grave inégal. Et ne parlons pas des élections ! »
Un garçon a sauté sur l’occasion pour équilibrer la balance : « Regarde les dernières élections aux États-Unis et en France, il y avait une femme et un homme à chaque fois.
– Oui, mais c’est les mecs qui ont gagné.
– Ben heureusement, tu voulais Marine Le Pen, toi ?! »
Un garçon a immédiatement rectifié que Marine Le Pen n’était pas une femme, mais un « bonhomme », ce fameux pendant du garçon manqué du siècle dernier. Malgré mon aversion pour son idéologie, je me devais de rendre sa schneck à Marine. J’ai donc bien différencié « avoir une attitude de bonhomme » avec sa kyrielle de postures empruntées aux normes masculines et « être un vrai bonhomme » au sens génital du terme. Je leur ai signifié que, pour avancer sur les routes escarpées de l’égalité, il convenait de s’affranchir de ces fameuses normes de société qui créent de la différenciation entre filles et garçons dès leur cinquième mois de vie dans l’utérus.
J’ai projeté une échographie en expliquant que, dès l’assignation du sexe génital de l’enfant à venir, les attentes normatives de la famille repeignaient sa chambre, revisitaient sa garde-robe et lui traçaient un avenir binaire, pénien ou clitoridien. Autrement dit, dès que le praticien sort sa caméra, tout le monde y va de sa projection.
Ces attentes normatives sont parfaitement repérées par les jeunes, parce qu’elles perdurent bien au-delà de leur naissance. Le monde n’a de cesse d’inviter à la déconstruction, mais pas question de tout chambouler à la maison. Avec la classe, on s’est amusé à taper dans Google Images : « chambre bébés filles ». Forcément, on s’est pris un gros flash rose dans la tête. J’ai demandé aux jeunes de m’énumérer tout ce que les parents étaient en droit d’attendre d’une fille. « Une meuf doit être belle, bien habillée, bien coiffée, gentille, souriante, agréable… » m’ont-ils listé. Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil des stéréotypes. Puis une fille a balancé qu’elle faisait de la mécanique automobile avec son père, qu’elle savait changer un pneu. Ça sortait de l’ordinaire et elle en était fière. Comme on lui demandait si ses frères faisaient la vaisselle pendant ce temps, elle a répondu qu’elle n’en avait pas. Soit elle avait un père hors norme, soit elle palliait l’absence de fils dans la famille.
« Une fille, faut la sécuriser jusqu’au mariage. On fait moins attention aux mecs. À partir de 12 ans, ils sont en mode débrouille. C’est plus facile d’être autonome pour un garçon », nous a assuré un jeune, adoubé par ses pairs.
En effet, dans la segmentation genrée, les parents ont tendance à exposer les garçons pour tester leur virilité et à surprotéger les filles, engendrant une socialisation autour du « soin/prendre soin » pour les filles et autour de la prise de risques pour les garçons. Comme le groupe trouvait les mâles mieux lotis, j’ai quand même pointé que, à l’adolescence, l’invitation, voire la prescription à se mettre en danger faite aux garçons, accouchait de son lot de dommages collatéraux : accidents, morts prématurées, défonce, déscolarisation, incarcérations. Non seulement les normes nous cloisonnent, mais elles réduisent aussi considérablement notre champ des possibles. Choisir un 8 mars, mois du dieu de la guerre, pour pacifier un peu la « guerre des genres », j’ai trouvé que c’était une bonne idée. Mais attention à ne pas trop s’enflammer, car, comme dit le dicton, « février et mars trop chauds mettent le printemps au tombeau ».
DR KPOTE
* Clip à regarder sur : culturepub.fr/videos/international-women-s-day-journee-des-droits-des-femmes-adpology/
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Commentaires
The interpretation of the woman's day can be in a different manner. Some women perceive it as an opportunity to claim their rights.
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The perception of a woman's day in such a manner is non-standard. However, such an expression can be present in any group.