• Dans le dos de Papon

    Qui a dit que dans ce pays, il n'y avait que des salauds de droite, planqués derrière le concept de l'immigration positive pour mieux assumer ce racisme ordinaire empreint de pétainisme qui les caractérise ? Hein, qui l'a dit ? Quand je suis arrivé au Tribunal Administratif, rue de Jouy dans le IVe, j'ai reconnu dans la cour centrale une trentaine de visages venus pour soutenir Mr B. Ému aux larmes, son père, un vieux monsieur à quelques encablures de la retraite nous aurait presque tous embrassé. Vu de l'extérieur, ça aurait pu faire mariage, sauf que nous étions plutôt là pour consommer le divorce entre l'Etat français et les droits de l'homme. Nous avons squatté la moitié de la salle du tribunal. Les gardiens de la paix qui n'en ont que le nom avaient tous l'air surpris d'une mobilisation aussi importante. Mr B. fatigué, a refusé nos sandwichs, l'estomac tordu par la bile et l'enjeu. On a patienté en prêtant l'oreille aux plaidoiries des avocats des autres déférés. Nous avons écouté la triste litanie de ces gens partis d'ailleurs parce qu'ils rêvaient d'ici et qu'un coup de botte va renvoyer là-bas. Cette fois, nous n'étions pas spectateur au Théâtre du Soleil, mais bien confronté à des vraies tranches de vie de migrants, dans toute leur tragédie. "On joue sa vie comme on joue au flipper", chantait Téléphone. Les types à la barre, eux, ils venaient de prendre un sérieux coup de bumpers et d'une belle fourchette juridique, <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> leur infligeait un Game Over sans appel.

    Les deux chinois avant Mr B. étaient seuls au monde et ils le seront probablement encore plus dans leur pays qui s'apprête à recevoir la crème de la diplomatie internationale au moment de la plus grande bouffonnerie sportive de tous les temps. Une traductrice leur restitue à l'oreille la teneur des débats entre l'avocat et le représentant de la préfecture, un homme à la chemise blanche aux rayures saumon, que nous ne verront que de dos. Le représentant de la pref', c'est Mr Verdier. Je donne son nom, histoire qu'il reste une trace écrite de ses forfaitures quelque part, juste au cas où les FFI reviendraient. Il a le même patronyme que le pire de mes voisins, celui qui ne supporte pas qu'on se gare sur sa place de parking. Et ben Mr Verdier de la pref', il ne supporte pas que des étrangers viennent s'installer sur le sol qui lui est réservé. Alors plutôt que poser sa démission, il fait son travail, sans entrain certes, mais froidement, cliniquement. Il ne ressemble à rien ce petit fonctionnaire collabo, qui à défaut de remplir des trains, réserve des places de charters, en queue d'appareil, près du réservoir à merde.

    L'avocate de Mr B. est minable. Elle n'arrive pas à enchaîner deux phrases sans chercher ses mots, parle d'un magasin à Montreuil au lieu de Bagnolet, appelle son client Mr A. au lieu de Mr B.... Elle est empruntée, faussement concernée maintenant que le chèque est touché. Le Papon local reste stoïque. Il a trente militants, cinq membres de la famille, un bébé qui tête son biberon dans son dos et pourtant, comme il lirait la notice d'une étagère Ikéa, il énumère administrativement les motivations de son bon coup de balai vers <st1:personname productid="la Tunisie. Nous" w:st="on">la Tunisie. Nous</st1:personname> échangeons des regards inquiets. Dès que l'affaire de Mr B. est finie, nous nous levons d'un seul homme pour mettre une dernière pression sur le juge... Dehors, l'avocate subit notre opprobre, puisqu'elle n'avait même pas été capable de faxer les dernières pièces du dossier au juge dont cette lettre si belle d'un instituteur que je vous livre ici :

    Monsieur P.
    Professeur des écoles

    Paris, le 14 juin 2008

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    à Monsieur Michel Gaudin

    Préfet de police

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    Objet: Affaire B. n° étranger 9303xxxxxx retenu au centre de rétention de Vincennes

    Monsieur le Préfet de Police,

    je suis l'instituteur de S., la fille de Monsieur B. et je me permets de solliciter votre haute bienveillance pour l'affaire citée ci-dessus. S. est une élève très bien intégrée à la classe que j'ai le plaisir de diriger cette année et elle a de très bonnes relations avec ses camarades. Elle est, à titre d'exemple, souvent invitée aux anniversaires de ses amies. S. vit très mal la situation qu'elle ne comprend d'ailleurs pas. S. qui est une bonne élève, calme, appliquée et sérieuse ne peut quitter son univers auquel elle est attachée et qui est toute sa vie.

    Les autres élèves de la classe ne saisissent pas, non, plus l'état de tristesse dans lequel S. se trouve. Ils ne savent que faire pour la soutenir. Il est difficile, pour un maître d'école de travailler avec un tel poids affectif, voire d'expliquer à des élèves si jeunes une situation aussi éprouvante... On ne peut la laisser s'installer dans la classe parce qu'elle perturbe les apprentissages de tous. Ainsi, nous ne pouvons concevoir que S. perde ses repères familiaux.

    En sachant que vous ferez tout votre possible pour aider cette famille, très intégrée, je le rappelle, je vous prie, Monsieur le Préfet de Police de croire en l'expression de ma très haute considération.

    <o:p> </o:p>

    Les dés étant jetés, seule une poignée ont poireauté jusqu'à 17h30 pour la décision du juge. Moi, j'avais du taf. Je suis parti un rien pessimiste. J'ai serré la main de la femme de Mr B. sans trop la regarder, car j'avais les larmes aux yeux. Elle m'a remercié.

    Et puis, en fin d'après-midi, la nouvelle est tombée: Mr B. était libre et son avis de reconduite à la frontière était annulé !!! Franchement, j'étais fier de nous et pour une fois, pas mécontent d'être français. Verdier, j'ai un dernier message pour toi : tu fais vraiment un métier d'enfoiré.

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  • Commentaires

    1
    Cosmic
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:08
    Et l'avocate
    C'est révoltant, ça m'horripile. Qui a choisi cette incompétente indifférente indigne ? Dans d'autres circonstances j'en ai connu des comme ça, à la ramasse. De belles envies de moulin à baffes.
    2
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:28
    Cosmic
    si c'est bien toi ?! saches que l'avocat choisi par la famille s'est fait porter pâle et a refilé le bébé à une autre du même cabinet. Celle-ci a prétexté à son tour un décès dans sa famille, le matin même de la convocation, pour filer la patate chaude à une autre... Elle est pas belle la vie du barreau ? par contre le chèque de 2000 euros a bien été touché, lui.
    3
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:44
    Salut Didu
    Oui, je n'étais pas connectée. Comme tu dis, elle est pas belle la vie du barreau ? Quel recours en cas de jugement en défaveur ? Aucun. Quel moyen de refuser un avocat de la défense qui ne connaît rien au dossier et se présente en remplacement de celui qui a été mandaté ? Aucun à ma connaissance. Ayant pas mal fréquenté les tribunaux à une époque, je peux te dire que ce genre de déboire se produit trop souvent, et que les conséquences peuvent être funestes. Un bon coup de rage, ça faisait longtemps.
    4
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:48
    Ah Cosmic comme je te retrouve
    Ben ouais, aucun recours à part tes yeux pour pleurer au fond du charter. Ces gens ne mesurent pas toujours l'importance de leur rôle. Je suis persuadé que si nous n'avions pas été aussi nombreux pour faire pression et montrer notre soutien, Mr B. serait à Roissy aujourd'hui. Je trouve qu'une plaidoirie ça devrait être l'orgasme de l'avocat, ce moment tant attendu qui fait la quintessence de son métier. Franchement, hier, on aurait tous fait mieux qu'elle.
    5
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:53
    Hey Cosmic
    ça flingue à tout va chez les bouddhistes... "Quand lama fâché, toujours craché"...
    6
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:57
    Tu es bien indulgent
    en qualifiant d'inconscience ce qui relève du foutage de gueule pur et simple. Or oui, il est probable que l'audience se serait terminée autrement si vous n'aviez pas été là. Putain, je me demande si, dans le cas contraire, il aurait été possible d'annuler la procédure parce qu'une pièce du dossier n'avait pas été transmise, mais je n'en suis pas certaine. On ne fait pas perdre son temps au juge pour si peu... Rha !
    7
    Mardi 17 Juin 2008 à 12:59
    Du rififi chez les zeneux
    J'ai vu ça. On dirait du Monthy Python :)))
    8
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:06
    J'adôôre
    quand ça frite. M'est avis que la baston en lévitation, ça doit relever plus de Matrix que des Tontons flingueurs...
    9
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:11
    Pouffons un peu avant la mort
    Ce gouroublog manquait d'humour. Même involontaire, il est bon :o)
    10
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:17
    Merci
    Pour ton message, que j'ai pris comme un pessage de paix, car c'est le seul qui m'intéresse. Bonne journée. Namasté
    11
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:21
    Mon gode
    Pourquoi faut-il que tout finisse en pessage de paix ? C'est d'un chiant, la zénitude.
    12
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:27
    Bon cosmic
    c'est pas tout ça mais va falloir que je redescende de la montagne sans la fille du coupeur de joint. C'est que j'ai du boulot, moi et c'est pas la blanche colombe qui va m'aider à nourrir les enfants et mettre du beurre dans le tofu. Bises
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    13
    Mardi 17 Juin 2008 à 13:35
    Bises, Didu
    Moi je vais me faire lisser le démon. Les bonnes âmes me donnent de l'urticaire.
    14
    Mercredi 18 Juin 2008 à 11:42
    justice
    Ca fait peur quand même cette justice lamentable en France. La vie de cette homme et de sa famille reposait en grande partie sur le dos de cette avocate, qui se fichait complètement de l'issue du procès vu qu'elle avait déjà été payée. C'est la France ça, chacun pour sa gueule, ça me désespère. Enfin pour une fois l'histoire se finit bien, c'est malheureusement trop rare...
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