• Extension du domaine de la teub

     

    Photo © k. Bamberg

    Tombant des nues, nos gentils énarques au pouvoir viennent de découvrir que Rocco Siffredi, Mia Khalifa, Lisa Ann et leurs pornstars de potes s’étaient sauvagement infiltré·es dans les collèges et lycées, diffusant leurs ébats des foyers aux cafétérias. Devant l’ampleur du phénomène, M. Macron a même déclaré l’état d’urgence parental en twittant, le 25 novembre : « La pornographie a franchi la porte des établissements scolaires » ! Branle-bas de combat dans les foyers français : la ménagère et le mec-dans-le-canap de moins de 50 ans se sont demandé sur le fil d’actu du Parisien ce que pouvaient bien foutre les CPE et la « vie scolaire » pour que leurs chérubins arrivent à planquer des mégabits de levrette dans leurs poches en plein dispositif Vigipirate ? La start-up qui sera la première à commercialiser des portiques détecteurs d’orgasmes sur smartphone à l’entrée des bahuts va se faire des couilles en or. Désormais, téléphonie et anatomie sont tellement associées dans la découverte de la sexualité qu’un jeune Parisien s’est fendu d’une allégorie numérique, alors que nous évoquions le corps fantasmé. « Une meuf aussi plate qu’un iPhone 6, ça n’intéresse personne », a-t-il lâché, sûr de son fait. Apple va devoir racheter Wonderbra pour continuer à séduire certains jeunes.

    Mais les adeptes de la paluche sur Tukif ou sur YouPorn ont intérêt à faire rapidement le plein de souvenirs à sensation, car notre président, au fait de la culture geek, souhaite étendre le pouvoir de régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) au numérique et aux réseaux sociaux. Notre Emmanuel de président nous prouve ainsi qu’il n’est pas fait du même rotin que celle qui partage phonétiquement son patronyme ô combien vintage et symbolique dans l’histoire de l’onanisme adolescent. Le CSA, vieil enfant de la télé, va donc, peut-être, se coller au numérique pour les nuls et tenter d’enrayer l’énorme machine Pornhub et ses 23 milliards de visites en 2016. La bataille sera rude. Pour preuve, cette phrase d’une jeune fille du Val-d’Oise, qui illustre bien la banalisation dans les mots des codes du porno chez les jeunes : « Monsieur, Macron, il n’avait pas besoin d’aller voir du porno, c’est Brigitte qui l’a initié. Il avait une mature à domicile, lui… »

    En attendant que les caciques du CSA baladent leur mulot sur la Toile et lancent des fouilles archéologiques devant les lycées pour exhumer des cassettes VHS, certains jeunes, eux, soignent leur œdipe pénien en surfant sur les milf (Mother I’d like to fuck) ou leurs fantasmes exotiques en matant de la shemale (1) exportée tout droit de Pattaya. En prenant le temps de lire le bilan 2016 édité par Pornhub 2, on découvre des tas de petites infos pas inintéressantes. Par exemple, dans le top 10 des recherches françaises, on trouve « maman française », « mom », « milf » et « step mom » (belle-mère). Il semblerait donc que les mecs ne soient jamais totalement sevrés du téton de leur daronne. À la lecture de ces résultats, on comprend mieux qu’une expression comme « nique ta mère » ait pu durablement s’installer dans les échanges musclés de cours de récré ! Si JoeyStarr et Kool Shen remontaient un groupe, il ­s’appellerait probablement « NTM en 3 G ».

    Récemment, dans un lycée de Seine-Saint-Denis, des mecs se sont connectés sur XNXX.com en live pendant l’animation et me l’ont exhibé sur leur smartphone. Un programme très alléchant est proposé sur le menu déroulant où des catégories comme « anus béant » y côtoient celle de « baby-sitters », le tout en mode « BDSM ». Du coup, je déconseille fortement aux parents de surveiller leurs enfants à l’aide d’une webcam s’ils veulent se garder de tout accident cardio-vasculaire. Mais les jeunes m’ont surtout interrogé sur le bandeau de pub qui ouvrait le site et qui, visiblement, les turlupinait depuis un petit moment. Celui-ci proposait l’acquisition d’une crème qui allonge le sexe, avec, pour démo, une animation réalisée pour des consoles Sega du siècle dernier mettant en scène une bite qui s’allonge par à-coups, à la manière du fameux nez de Pinocchio.

    J’ai d’abord décrypté l’offre avec eux. « Pour 49 euros, la marque Titan propose un gain de plus de 7 cm en quatre jours et “les filles adorent”. » Pour un tel bénéfice, le prix désuet rendait la transaction un rien suspecte.

    « La cible est claire, les gars, on vise l’hétéro inquiet pour ses performances. C’est clairement signifié avec “les filles adorent”. On exclut donc les homos…

    – Monsieur, il n’y en a pas ici.

    – Ouais, j’imagine mal l’un d’entre vous faire son coming-out là, maintenant… »

    Mais les types ne souhaitaient pas se laisser embarquer sur le terrain du débat autour de l’orientation sexuelle. En cliquant sur un lien au-dessous de l’animation, le publi-blog d’un dénommé « Tarzan » s’est ouvert. Celui-ci, torse nu, y vantait la taille de sa teub en haranguant tous ceux qui ne sont pas intéressés par des « filles sans expérience ou des saintes-n’y-touche [sic] ». Autrement dit, Tarzan s’adresse aux chasseurs de meufs expérimentées, de Jane en chaleur prêtes à s’agripper à la liane du roi de la jungle.

    « Monsieur, on n’est pas chez les pédés, là…

    – Franchement, les gars, “Tarzan”, c’est too much, non ? Vous avez vu la gueule du mec, cet avatar de Greystoke (3) des années 1980 sous acide, ça ne vous ressemble pas ! La vraie cible, ce sont vos pères, ou vos oncles !

    – Mais vous croyez que ça marche, cette crème ?

    – Vous en avez vraiment besoin ? On vous a déjà clashé sur la taille de votre attribut ? »

    Forcément, ils ont répondu par la négative, mais « qui peut le plus ne doit pas se contenter du moins » devait être leur proverbe génital. Je leur ai proposé de passer commande ensemble pour obtenir un prix de groupe. Sans discerner l’ironie, ils se sont dits partants à condition que je me fasse livrer chez moi. « Monsieur, nos parents, ils feraient la gueule avec du Titan dans la boîte aux lettres… »

    En s’appuyant sur le bilan Pornhub, où il est signalé que les recherches sur la VR (porno en réalité virtuelle) ont augmenté de 772 % au cours de 2016, on peut comprendre cet engouement des jeunes, et des moins jeunes, pour le volume et l’envie de voir sa bite grossir en live et en 3D. Chez Titan, on est donc bien dans l’air du temps.

    « Vous avez remarqué que sur votre site les acteurs et actrices n’utilisent pas de capotes.

    – Ouais, c’est pas grave, c’est du cinéma.

    – Vous voyez le menu des catégories genre “anal”, “gang-bang”, “teen”, “beurette”, etc., XNXX.com pourrait le remplacer par “syphilis”, “gonococcie”, “hépatite”, “herpès”, “sida”… pour que vous puissiez choisir la maladie qui vous convient en passant à l’acte comme eux.

    – Monsieur, personne choisirait ça…

    – Pourtant, c’est ce que vous faites si vous avez des rapports non protégés… »

    Comme ils m’ont tous demandé des adresses pour aller se faire dépister, je me suis dit que, finalement, le porno sur le Net pouvait aussi servir de porte d’entrée à la prévention. M. Macron devrait y penser au lieu de faire son Tarzan sur Twitter. D’autant plus que même l’ONU ne pourra jamais endiguer le flux de cul qui vient des serveurs du monde entier.

     

    (kpote@causette.fr et sur Facebook)

     

    1. Terme qui désigne une actrice porno transgenre.

    2. À consulter sur pornhub.com/insights/2016-year-in-review.

    3. En référence au film Greystoke, la légende de Tarzan, avec Christophe Lambert.


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